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dimanche, mai 28, 2023

Enquête exclusive. Les aberrantes nouvelles taxes sur la téléphonie mobile et les smartphones en Algérie

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L’écosystème de la téléphonie mobile comprend les opérateurs de téléphonie mobile, les fournisseurs d’infrastructures, les vendeurs et les distributeurs de produits et de services mobiles, les fabricants de terminaux mobiles, les fournisseurs de contenus, d’applications et de services mobiles.

Cet écosystème du ‘’mobile’’ contribue de manière significative au financement du secteur public à travers la fiscalité générale. Dans la plupart des pays, cela comprend la TVA, l’impôt sur les sociétés, l’impôt sur le revenu et les cotisations de sécurité sociale perçus auprès des entreprises et de leurs employés.

Sa contribution économique directe au PIB est estimée en mesurant la valeur ajoutée pour l’économie en prenant en compte la rémunération des employés, l’excédent d’exploitation, les taxes…

En 2017, l’écosystème ‘’mobile’’ a généré en Algérie 3,7% du PIB, soit 6,7 de Milliards d’US Dollars en valeur ajoutée.

Ce chiffre aura à augmenter en termes relatifs et absolus pour atteindre 3,9% du PIB d’ici 2022, soit 7,6 Milliards d’US Dollars, principalement en raison de la hausse de l’utilisation et de l’utilisation d’Internet mobile, le développement d’applications et de création de contenu.

Les entreprises qui interviennent dans l’écosystème mobile auront ainsi créé 26 000 emplois directs en 2017 et leur activité a soutenu l’emploi indirect de 72 000 personnes selon la GSM Association.

Cela inclut l’emploi formel et informel, ce dernier étant principalement associé à la distribution et à la vente au détail de appareils et services mobiles.

En détaillant de plus près ce sont 14000 emplois qui ont été créés dans la distribution, près de 9000 emplois chez les opérateurs de téléphonie mobile, 1000 emplois au sein des équipementiers, et à peu près 2000 emplois entre les créateurs de contenus et les usines de montage de mobiles.

Comme nous le savons, l’utilisation de la technologie mobile favorise l’augmentation de la productivité et de l’efficacité des entreprises. Les services de téléphonie et de messagerie permettent aux employés et aux entreprises de communiquer de façon plus efficace et plus rentable.

D’avoir accès à des données partout et à tout moment, ce qui est un avantage à la recherche et aux étudiants, ou pour toutes personnes devant mobiliser des ressources dans un monde en pleine (r)évolution digitale menant à une transformation profonde du mode de fonctionnement de l’entreprise.

L’impact de l’Internet mobile est particulièrement important dans le développement de régions où les infrastructures sont insuffisantes et limitées aux grandes villes et aux zones industrielles et commerciales.

Autant d’avantages qui laissent ce secteur stratégique contribuer au financement public à hauteur estimée à 2,2% des recettes du gouvernement, soit 1,1 milliard de dollars.

En 2009, le Kenya a décidé de supprimer les taxes sur les terminaux mobiles, l’impact a été déterminant sur l’augmentation de la productivité utilisée à des fins commerciales, sur les services de bancaires MBanking et transferts d’argent, sur l’agriculture et les plateformes d’assurance contre les intempéries, l’éducation à travers les plateformes de E-learning et enfin une amélioration des chiffres de l’emploi dans ce secteur, qui ont été multipliés par 6.

A la fin du mois de Septembre 2019, à contre-courant de ce qui se fait dans le monde, le gouvernement algérien s’inquiétant de la fonte des réserves de change, impose un nouveau mode de paiement, différé de neuf mois, pour les importations des kits SKD-CKD concernant un ensemble de produits dont les téléphones mobiles, en remplacement du paiement cash, comme vous pouvez le constater sur le document ci-après.

Cette surprenante décision des pouvoirs publics, a bien évidemment rencontré un refus catégorique de la majorité des fournisseurs internationaux à se conformer au nouveau mode de paiement, avec pour conséquence en Algérie, de la cessation de production dès le mois de décembre 2019.

Mais au lieu de trouver des solutions pérennes, en associant opérateurs, distributeurs de marques et association de consommateurs, voilà que la Ministre de l’Industrie Djamila Tamazirt décide en ce mois de Novembre 2019, tout simplement de geler les avantages du régime SKD/CKD à l’activité de montage de téléphones mobiles en Algérie, et de les exclure de la loi des finances 2020.

Dans la foulée l’importation du produit fini ne sera plus interdite, mais verra le mobile taxé à 30% de droits de douane (5% en 2016 !), et de 60 % de Droit Additionnel Provisoire de Sauvegarde à l’importation (DAPS) auquel il faudra rajouter la TVA !

« Nous attirons votre attention que cette mesure, qui prévoit de mettre au même pied d’égalité les producteurs et les importateurs, n’est pas sans induire des conséquences négatives et dramatiques sur la filière du montage de téléphonie mobile », prévient le même collectif.

Pour l’histoire, il y a toutefois lieu de rappeler à ce collectif que la facture d’importation de mobiles avoisinait les 650 millions d’US Dollars en 2016 et après interdiction d’importation et l’octroi d’avantages SKD/CKD à la filière qu’ils exploitent, ce sont 511 Millions qu’ils auront engloutis en 2018.

Les responsables de ces unités de montages qui craignant la ‘’concurrence’’, demandent la protection de leur activité en haussant encore plus la fiscalité sur les terminaux mobiles, qui représentent sur le marché algérien entre 8 et 10 millions d’unités par an ! La belle affaire.

L’Algérie, tout comme ceux de nombreuses autres régions en développement, fait face à d’importants déficits de finances publiques et d’infrastructures pour répondre à différents défis sociaux et économiques.

Si une grande partie de la population reste en marge des bénéfices de la croissance que connaissent certaines régions et zones urbaines, la téléphonie mobile pourrait jouer un rôle majeur pour réduire les inégalités en matière d’accès et d’utilisation de services clés.

Ainsi, l’écosystème des start-ups technologiques en Algérie peut jouer un rôle de plus en plus important dans le développement de contenus et de services numériques, localement pertinents, à l’instar de l’application Yassir qui pallie à la déficience du transport dans les zones urbaines, ou encore à ses plateformes de soutien scolaire en ligne qui connectent les étudiants aux enseignants.

Au-delà de l’extension de la couverture et de l’amélioration des réseaux par les opérateurs, le gouvernement doit, à notre sens, réaliser des efforts considérables à tous les niveaux afin de mettre en place les conditions adéquates pour un investissement privé continu à même de donner accès au service universel de télécommunications.

Dans le cadre des réformes introduites pour la libéralisation et le développement du secteur des télécommunications, le Gouvernement avait dès le 25 juillet 2000, adopté une « Déclaration de politique sectorielle » fixant les programmes et les objectifs prioritaires à atteindre, dans l’amélioration de la qualité des services offerts et l’accroissement de la gamme des prestations offertes, l’accès des  habitants  des  zones  rurales  et des  autres  groupes  défavorisés  aux  services de télécommunication et aux technologies de l’information, la promotion des télécommunications  et des technologies de l’information comme secteur économique  essentiel à l’essor d’une économie  compétitive ouverte au monde où le secteur des services représente une part importante du PIB.

Il y a lieu de constater que l’objectif du service universel quant à la qualité de services technique et commercial spécifiée n’a pas été atteint.

 

En effet, en matière de connexion internet mobile par exemple, l’Algérie occupe la 135ème place sur 137 pays, avec une vitesse de connexion de 6.19 mbps, juste devant l’Afghanistan (5.68 mbps) et le Tadjikistan (5.04 mbps). La Libye et la Syrie se classant un peu mieux que notre pays.

 

Payer des impôts sert à participer au budget nécessaire pour faire fonctionner un pays. Car pour enseigner aux élèves, défendre la population, soutenir les entreprises, venir en aide aux plus démunis, demande de l’argent que l’État prélève argent selon des règles précises, sous forme d’impôts et de taxes, auprès des citoyens et des entreprises.

A l’ère de la digitalisation, le soutien du secteur des télécoms passe obligatoirement et stratégiquement par l’allégement de la fiscalité sur les équipements informatiques et télécoms en général et l’écosystème mobile en particulier.

Il faut rappeler que la contribution fiscale totale du secteur mobile correspond à 50% du total des revenus du secteur. Cela signifie que la moitié de la valeur ajoutée créée directement par l’industrie du mobile est gardée par le Gouvernement.

L’Algérie se classe même parmi le pays qui compte le plus grand nombre de taxes sectorielles dans le mobile dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA) !

Ainsi, les taxes dans le secteur de la téléphonie contribuent de manière significative à maintenir une barrière élevée en matière d’accessibilité et limitent les investissements dans l’infrastructure internet, le réseau 4G et celui de la 5G dont le lancement est prévu en 2023 en Algérie.

Alors qu’en 2018, le taux de pénétration du Smartphone en Algérie était de 44 %, en dessous de celui de la zone MENA qui s’établissait à 58 % et 65 % pour les pays développés, il apparait aberrant de taxer le mobile à un taux cumulé qui va dépasser les 100%, sous prétexte de sauvegarder une activité de montage qui n’a jamais réussi à participer à plus de 3% dans la contribution économique directe.

De l’aveu même du Ministère de l’industrie, ‘’deux années d’observation de l’activité ayant permis de constater qu’il s’agit dans la majorité des cas d’importation de produits finis déguisée’’

Sommes-nous finalement condamnés à dépendre indéfiniment de l’incompétence et des hésitations des gouvernants successifs, nous privant de la formidable évolution que connait le secteur des télécommunications ?

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