Le rééchelonnement de la dette algérienne au milieu des années 90 et la privatisation exigée par le FMI et la Banque Mondiale, ont mené le plus grand Pays d’Afrique vers une ouverture précipitée et désorganisée de son commerce extérieur et a aiguisé les appétits féroces de nombreux apparatchiks.
L’embellie financière conjoncturelle, entre les années 2000 et 2014 due à la remontée des cours de pétrole, a accéléré ce phénomène d’accaparement de pans entiers de l’économie nationale, principalement par des généraux et des oligarques adoubés, pour aboutir à la création de véritables monopoles, encouragés il faut l’avouer par une vision stratégique inexistante et une politique gouvernementale aussi désastreuse que complice.
La plupart des secteurs économiques générateurs de richesse ont alors été investis par des personnes influentes du régime algérien, bloquant toute concurrence saine ou initiative créatrice de véritable richesse.
Algeriepart a publié plusieurs articles documentés, faisant cas de nombreux exemples concrets, dénonçant la proximité entre l’argent et le pouvoir, entre les passe-droits et la corruption, entre l’impunité et les abus de pouvoir, qui règnent dans le secteur du commerce et des services et qui minent le développement économique de l’Algérie.
Tout le monde le sait, de puissants lobbys opèrent depuis fort longtemps en coulisse pour faire barrage à tout changement qui mettrait en péril la pérennité de leurs affaires, ou susceptible de déstabiliser le système qu’ils ont mis en place pour s’enrichir impunément.
Le récent épisode de la nomination avortée d’un nouveau patron des douanes est édifiant. Il nous renseigne sur ce secteur administratif stratégique gangrené par la corruption, et qui constitue un élément clé pour une poignée d’hommes du pouvoir, mais qui demeurent assez puissants pour s’opposer à la décision d’un Président de la République !
Que cela soit le secteur de la santé et du médicament, celui de la pièce de rechange et des équipements industriels et bien d’autres encore, ceux qui ont mainmise exclusive sur l’importation de biens et services dans des secteurs d’activité lucratifs, ont solidairement désignés des intermédiaires et des prête noms sur lesquels ils s’appuient pour s’assurer protection et privilèges dans le traitement de leurs opérations d’importations.
Aujourd’hui, nous allons vous citer les noms de personnes et d’entreprises qui agissent au seul service de quelques-uns de ces »puissants », et mettre à nouveau la lumière sur ceux qui agissent dans l’ombre et qu’on appelle communément l’Etat profond.
Mais avant cela, quelques explications.
Le Commissionnaire en Douane, communément un transitaire, a pour mission d’établir les documents administratifs qui permettent à l’opérateur économique d’exporter ou d’importer ses marchandises. Il joue un rôle d’intermédiaire entre celui-ci et les services des douanes.
Pour exercer son métier, le commissionnaire en Douane doit être titulaire d’un agrément délivré par la Douane et répondre à plusieurs conditions dont la formation adéquate, l’expérience, la moralité … Agrément qui reste nominatif et qui ne peut être ni cédé, loué ou prêté.
Afin de défendre leurs intérêts, les Commissionnaires en Douanes se sont regroupés au sein d’une association englobant plus de 1.100 commissionnaires en douane répartis sur l’ensemble du territoire. Elle porte le nom d’Union Nationale des Transitaires et Commissionnaires en douane agréés Algériens (UNTCA).
Aouidette Djelloul, Président de cette instance et propriétaire de l’agence Transit Djelloul Aouidat (TAD) est aidé par plusieurs assesseurs, qui siègent à ses côtés pour l’assister dans ses fonctions et le suppléer si nécessaire. Parmi eux il y a Boulahdjel Mohamed Riad, membre assesseur pour la région d’Alger.
Mr Boulahdjel est également un commissionnaire en Douanes agrée par les services de Douanes du Ministère des Finances le 5 Mai 2004. Son agence Transit Boulahdjel, un temps installée à la rue Warnier dans le centre-ville d’Alger, s’est déplacée vers les hauteurs d’Alger à Hydra, avant de se transformer en Société en Nom Collectif (SNC) ayant pour dénomination Société BMR et Cie.
Le nom de Boulahdjel est également associé à la gestion d’une autre agence portant le nom de : Sarl Transit la Perdrix. Cette dernière entreprise, très connue dans le milieu des transitaires et de l’administration des Douanes, a vite prospéré pour devenir la compagnie de transit la plus prisée des hommes d’affaires, et oligarques proches des militaires.
»Transit la Perdrix a développé des relations privilégiées avec les Douanes algériennes. Cela lui permet de faire passer les dossiers de dédouanement de ses clients avec un célérité déconcertante et souvent bien suspecte. Vous n’avez qu’à demander une enquête approfondie. Aujourd’hui tout est traçable par le système informatique de l’administration des douanes. Il faudra juste que la commission d’enquête soit réellement indépendante des douanes, sinon elle serait impartiale car elle serait en même temps juge et partie ! » Nous informera un transitaire qui connait bien le secteur.
Alors qu’est ce qui fait la singularité de la florissante Sarl la Perdrix ?
Nous avons consulté les documents administratifs de cette agence de transit et avons constaté que l’associé de Mr Boulahdjel et cogérant à ses côtés, n’est autre que Bouzid Akroum !
Ce dernier est le fils du Général-Major Ali Akroum, anciennement responsable de la direction du matériel avant d’être nommé à la tête du département Organisation et Logistique de l’état-major général de l’Armée Nationale et Populaire (ANP) !
Général-Major Ali Akroum.
Matériel, organisation et logistique d’un côté, opérations de Transit de l’autre…Tiens Tiens ! Intéressant n’est-ce pas ?
Personne n’a bien évidemment osé répondre à notre question de savoir si l’institution militaire avait fait appel aux services de la Sarl La Perdrix. Nous laisserons nos lecteurs alimenter la réponse.
Par contre nous avons appelé l’UNTCA pour nous enquérir de la légalité de la démarche, qui consiste à utiliser l’agrément d’un commissionnaire en douane dans plusieurs entreprises avec différents associés.
Car cela sonne à nos oreilles comme une opération de prêt, de location ou de cession déguisée de l’agrément non ? Et là non plus nous n’avons toujours pas obtenu de réponse.
Et c’est en partant de tous ces éléments et en discutant avec plusieurs opérateurs du secteur, que nous avons compris comment La Perdrix avait pu drainer avec une facilité aussi déconcertante, et en si peu de temps, autant d’affaires.
Le fils du Général Major ne pouvant pas obtenir de manière légale l’agrément de Commissionnaire en Douane, car ne pouvant pas remplir pas les conditions d’octroi, il a été tout simplement décidé en haut lieu de l’associer à un transitaire agrée.
»Car qui de mieux placé qu’un membre de la »Issaba » à qui faire confiance, quand on est soit même membre de cette clique mafieuse ? ’’ Nous dira, entre ironie et affliction, notre vieux transitaire…
C’est aussi simple que ça, la haute position au sein de l’armée du père de Bouzid Akroum a été utilisée pour édifier une bonne affaire, au détriment de ces dizaines de jeunes diplômés de l’école des douanes ou qui ont suivi une formation spécifique pour devenir commissionnaire de Douanes ou qui ont subi avec succès le concours d’accès à la profession…
C’est exactement cela que nous dénoncions en préambule de l’article, à savoir argent et pouvoir, passe-droits et corruption, impunité et abus de pouvoir, toutes ces nouvelles valeurs immorales qu’incarne parfaitement ce fils de Général de l’Armée, qui ne peut compter que sur la protection du Papa aux fins d’utiliser le précieux document l’autorisant à fournir assistance a tous les prêtes noms et oligarques proches de l’institution militaire…
Personne n’a aussi bien compris ce vieux proverbe »On n’est jamais mieux servi que par soi-même ! »…
Tant que ces comportements outranciers restent tolérés par le pouvoir législatif et que la société civile reste passive face à ces dérives, le Directeur Général des Douanes, comme pour tous les autres responsables de secteurs stratégiques, sera éternellement choisi par des pillards, en fonction de leur seul intérêt et ceux de leurs proches. Et dans ce schéma l’Algérie n’en fait pas partie.
Mais cela doit changer car maintenant, vous savez !