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samedi, avril 20, 2024

Enième dérive grave du régime algérien : un caricaturiste condamné à 10 ans de prison ferme pour « terrorisme »

Encore une dérive autoritaire inqualifiable du régime algérien. Le caricaturiste algérien Ghilas Ainouche, l’étoile montante du dessin de presse en Algérie, a été condamné ce 30 novembre 2022 par le tribunal de Béjaia à une lourde peine de 10 ans de prison ferme pour atteinte à la personne du président de la République, atteinte aux symboles de l’État et promotion d’actes de terrorisme. Ces condamnations inouïes s’appuient uniquement sur des caricatures diffusées en 2020 et 2021 sur sa page Facebook. 

Il s’agit de simples dessins moqueurs et critiques qui tournent en dérision le Président de la République Abdelmadjid Tebboune et certains généraux influents de l’Institution militaire. Ces dessins ont été jugés non seulement diffamatoires par les magistrats du tribunal de Béjaïa mais aussi attentatoires à l’ordre public et la sécurité nationale. Lors de la première audience du procès intenté contre le jeune caricaturiste réfugié en France depuis 2020, le Procureur de la République près le tribunal de Béjaïa a exigé dans son réquisitoire la peine la plus lourde et exemplaire à l’encontre de Ghilas Ainouche en raison de son supposé soutien affiché à l’égard des revendications prônées par le Mouvement pour l’Autodétermination de la Kabylie (MAK), une mouvance classée terroriste par les autorités algériennes depuis mai 2021.

Le même Procureur avait incriminé également Ghilas Ainouche pour ses dessins « insultants » et « déshonorants » à l’encontre de l’image du Président de la République. Un réquisitoire purement politique qui confirme l’interdiction pure et simple de l’exercice de la Liberté de la Presse et de l’Expression par l’actuel régime algérien. Un régime qui considère un dessin de presse comme un « acte terroriste ». C’est tout bonnement hallucinant.

Notons que le tribunal de Béjaïa a émis également un mandat d’arrêt international à l’encontre de  Ghilas Aïnouche. Ce dernier s’est installé en France où il a obtenu le titre de réfugié politique depuis juillet 2020. Ghilas Aïnouche est  un caricaturiste qui fait parler de lui au sein même des cercles d’initiés depuis plusieurs années en Algérie comme à l’étranger. Né le 10 octobre 1988, lors des événements ayant bouleversé le paysage politique de l’Algérie, il s’est pris de passion pour le dessin dès son enfance. Depuis lors, il ne jure que par l’art et ne travaille que pour l’art.

En 2008, après avoir décroché son BAC sciences, Ghilas Aïnouche rentre à l’université de Bejaia pour suivre des études en génie civil. C’était-là qu’il est entré en collaboration avec le bimensuel universitaire « Awal unelmad » (Parole de l’étudiant). Il a eu le premier prix au concours national de la caricature en 2010. Après un bref passage à l’hebdomadaire régional «Avis», il a atterri au quotidien national « Le jeune indépendant » qu’il alimentait quotidiennement en caricatures et BD. Depuis 2011, il est désigné caricaturiste officiel du Corpus et méthodologie festival international du théâtre de Bejaia.

Il a accompagné bon nombre de conférenciers en adaptant ses caricatures à leurs différents discours (caricatures sur scène), que ce soit avec le Café littéraire de Bejaïa ou à l’université. Plusieurs passages dans les chaînes télés, dont TV5 ou Le Monde, ont confirmé la dimension internationale de cet artiste. Il a eu l’honneur d’être promu prodige algérien en tant que caricaturiste par l’opérateur de la téléphonie mobile Djezzy, en 2012. Fin 2013, il intègre le quotidien algérien électronique TSA (Tout Sur l’Algérie) et y demeure jusqu’à ce qu’il soit licencié abusivement après avoir été victime d’une censure caractérisée.

En mars 2014, il avait célébré la sortie en France de son premier album intitulé « Sauve qui peut ! », recueil regroupant une partie de son œuvre. En 2015, l’hebdomadaire français Le Point le place parmi les 7 artistes partis pour marquer l’année 2015 en Algérie. Il y a eu également de sa part plusieurs contributions en faveur des causes nobles au profit d’Amnesty internationale et d’associations caritatives à caractères écologiques ou humanitaires. Malheureusement, en Algérie, depuis 2019, ses expositions se trouvaient interdites, au sein même de l’université. Ses dessins étaient jugés subversifs, déplacés. Certaines trop critiques vis-à-vis du pouvoir, d’autres trop vulgaires. Ghilas Aïnouche était ainsi contraint de quitter l’Algérie pour se réfugier définitivement en France.

 

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