Des sommes colossales en devises continuent de quitter l’Algérie dans des conditions troublantes alors que les autorités militaires et judiciaires assurent qu’elles font une guerre sans merci pour récupérer l’argent public détourné par la « mafia » qui était choyée par le régime Bouteflika.
Les chiffres des transferts effectués depuis l’Algérie vers le Canada indiquent que la vigilance des nouvelles autorités algériennes est quasi-nulle : entre janvier et juillet 2019, plus de 78,6 millions $ ont été envoyés au Canada depuis l’Algérie, selon des chiffres obtenus auprès du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada, qui surveille les télévirements de fonds de plus de 10 000 $ en provenance de l’étranger.
Dans les colonnes du quotidien québecois, Le Devoir, Jean-Pierre Vidal, professeur de fiscalité internationale à HEC Montréal, a expliqué que tous ces millions de dollars, c’est de l’argente des « dirigeants, de compagnies ou de particuliers qui, craignant la chute de la devise nationale ». Des dirigeants qui « cherchent à protéger la valeur de leurs avoirs dans une monnaie plus forte et plus stable », a indiqué le même expert qui n’a pas manqué de rappeler qu’en « période de crise, les transferts d’argent d’un pays vers un autre s’accentuent, c’est toujours le cas ».
Cela signifie clairement que l’Algérie sombre dans une crise politique structurelle qui empêche son Etat de contrôler les sorties de ses devises et leurs transferts à l’étranger. Et les autorités canadiennes sont directement interpellées à propos de la provenance légale de ces fonds qui débarquent dans les banques canadiennes.
Rappelons enfin qu’en juin dernier, le député du Nouveau Parti démocratique Pierre-Luc Dusseault, alerté par un citoyen d’origine algérienne vivant dans sa circonscription de Sherbrooke, a écrit au ministre des Finances du Canada, Bill Morneau, pour l’informer de la hausse de ces transferts provenant d’Algérie et pour l’inciter à la plus grande vigilance devant l’augmentation du montant des opérations financières de l’Algérie vers le Canada. « Ces mouvements financiers sont majoritairement faits par la classe politique et dirigeante algérienne actuelle, qui se prépare à un exil imminent », a-t-il écrit dans sa lettre largement médiatisée à l’époque. « Le peuple algérien est inquiet que le départ du gouvernement et de ses dirigeants se fasse en amenant avec eux […] des fonds publics dilapidés […]. Ces dirigeants corrompus ne devraient pas pouvoir trouver un refuge au Canada pour ces fonds illégitimes », avait conclu le même député.