La ville algérienne, vu le processus d’urbanisation qu’elle a connu, vit en effet nombre de problèmes : conurbation, déséquilibre entre centre et périphérie, congestion, pollution, difficulté de maîtrise de la croissance, difficulté d’approvisionnement en eau ou en énergie, désuétude des centres historiques maux qui interpellent l’adoption de stratégies de planification et de gestion
plus rationnelles.
Le pays est actuellement en pleine mutation socio-économique avec la libéralisation, l’économie de marché et les privatisations, etc. Ces mutations, incontournables, ne pourraient elles pas constituer des opportunités pour insuffler une dynamique nouvelle à nos villes ? Car il est aujourd’hui clair qu’aucune action de développement ne pourra être efficiente sans une croissance économique qui serait le catalyseur du développement urbain durable.
Grande dégradation et pression démographique
D’autre part, les outils de planification ou de gestion de l’espace en Algérie permettent-ils le processus de concertation qui est l’élément fondamental pour le développement durable ? Ils ne peuvent en fait plus nier ce processus. Un effort considérable de sensibilisation et de responsabilisation des citoyens dans leurs droits et obligations est à entreprendre au niveau de l’éducation, de la formation et de l’information pour y pallier.
L’état de l’environnement et des écosystèmes algérien laisse apparaître une grande
dégradation due essentiellement à la forte pression démographique et à une mauvaise répartition des zones d’activités notamment industrielles. L’urbanisation anarchique, la carence de la gestion urbaine et la non prise en charge des problèmes environnementaux, sont à l’origine des graves atteintes à l’environnement que connaît le pays et d’une manière général , la dégradation des ressources naturelles, en sol, en eau.
Les effets conjugués de la rareté de plus en plus grande des ressources naturelles et hydriques et des nouveaux phénomènes climatiques dont la menace est forte et imminente, font que l’environnement se caractérise par la faiblesse des ressources en eau et leur pollution, une dégradation de la qualité de l’air, une régression du patrimoine biogénétique, et une dégradation générale du cadre de vie des algériens. Les statistiques indiquent que plusieurs hectares des meilleures terres agricoles ont été sacrifiés au profit du développement urbain, on constate une nette régression de la SAU; 0,8 ha / habitant en 1962, 0,32 ha / habitant en 1991, et 0,13 ha/ habitant en 2005; la surface agricole utile (SAU) ne représentait en 2002 que 7,6 millions d’hectares (dont 1,5 en jachère).
En ce qui concerne les ressources en eau, la croissance de la population urbaine et le
développement des activités ont pour conséquence une surexploitation des nappes phréatiques et leur contamination ainsi qu’une augmentation importante des rejets dans le milieu naturel, selon les statistique prévisionnelles, 45 % de la population urbaine totale portera atteinte en 2010 à ces ressources directement ou indirectement.
Il faut rappeler que l’Algérie se situe parmi les pays les plus pauvres en matière de
potentialités hydriques ; le citoyen algérien ne dispose que de 1/5000ème de la quantité moyenne mondiale par personne, soit en dessous du seuil théorique de rareté fixée par la banque mondiale à 1000M3 / hab /an, à cela il faut ajouter le problème des pertes dans le réseau d’adduction en eau potable estimé à 15-20 %.
Les réseaux d’assainissement se sont développés de manière anarchique au gré du
développement des villes, et les systèmes d’épuration adoptés (stations d’épurations), ne
résultaient pas d’études approfondies, et sont souvent à l’arrêt, parfois même abandonnés, ou connaissent un fonctionnement irrégulier. Cette situation fait apparaître un constat
particulièrement inquiétant, c’est celui des maladies à transmission hydrique dues
essentiellement à la juxtaposition des réseaux d’eau potable et des eaux usées qui entraîne lors de la détérioration de l’un deux une contamination des eaux de consommation, en plus des rejets industriels et agricoles qui engendrent une contamination des eaux souterraines.
Même les espaces verts et boisés n’ont pas échappé au processus d’urbanisation anarchique, alors que de plus en plus, les notions d’environnement et de qualité de vie doivent être prises en considération.
Les espaces verts sont à considérer des équipements structurants, les normes
minimales concernant les surfaces d’espaces verts à aménager dans les agglomérations sont de :
10m2 / habitant pour les espaces urbains ; et 25M2 / habitant pour les espaces sub urbains; ces normes sont loin d’être respectées, voire intégrées dans les différents projets de développement urbains , car ces espaces sont livrés au grignotage des politiques des lotissements à travers la mise en œuvre de plans d’aménagement qui proscrivent pourtant tout changement de destination des sols.
La problématique des déchets urbains
Aussi, les pollutions urbaines notamment par les déchets constituent l’une des principales
sources de dégradation de l’environnement et de la détérioration de l’hygiène publique, la
plupart des agglomérations urbaines et rurales en Algérie, éprouvent de grandes difficultés dans la gestion de ces déchets que soit au niveau du ramassage ou de celui de l‘évacuation et de l’élimination, les décharges sont généralement situées sur des terrains perméables, ce qui peut entraîner la contamination des eaux souterraines. Les unités de traitement des ordures ménagères sont souvent à l’arrêt pour des raisons techniques ou financières aggravant ainsi la situation.
Les opérations de la collecte, du traitement des déchets solides et de nettoyage de la voie publique sont souvent considérées comme une préoccupation secondaire par les instances communales qui n’évaluent pas à sa juste mesure l’impact sur la santé publique. De nos jours, et selon les statistiques disponibles, seul 60% des déchets urbains sont collectés.
En matière de pollution atmosphérique, outre celle d’origine industrielle qui accroît la
concentration des pollutions dans l’air, celles générées au niveau de la ville par la circulation automobile en émissions toxiques (monoxyde de carbone, oxyde d’azote, plomb) qui sont responsables des affectations respiratoires graves en raison principalement ; du taux de motorisation élevé dans les concentrations urbaines (18personnes/ véhicule touristique en moyenne), de la vétusté des véhicules de tourisme, et de la toxicité élevée des émanations gazeuses due à la mauvaise carburation des véhicules et à la qualité du carburant utilisés (teneur en plomb).
Avec tout ces problèmes écologiques, on assiste à la défaillance des services publics ; en
effet, les conditions générales en terme de prise en charge administrative et technique d’un
certain nombre de missions rattachées à leur caractère urbain, mettent en évidence un niveau relativement faible de maîtrise de gestion, qu’il s’agisse de la collecte des déchets et de leur traitement en décharge, du nettoiement, de l’entretien des réseaux d’eau et d’assainissement, de la voirie, des espaces verts, de l’éclairage public ou encore du contrôle des éléments du patrimoine et du domaine publics en général, etc.
Le constat d’une gestion parallèle, aléatoire ou carrément défaillante, selon le cas est
quasiment général, ces défaillances se traduisent par des dysfonctionnements internes à
l’administration locale, qui ont eu des conséquences sur le citoyen.
Des extensions sans aucune règle
Les extensions des villes se sont faites très rapidement et ont enregistré partout l’émergence d’un tissu périphérique envahi par des noyaux urbains; tout terrain vague, tout espace libre en ville sont convoités et font l’objet de spéculations multiples. L’exclusion des populations du logement public en raison des prix pratiqués, les contraintes liées à l’obtention des terrains et des permis de construire, ainsi que les pesanteurs bureaucratiques, ont favorisé le développement considérable de l’habitat informel, avec l’absence d’intervention et de contrôle des services techniques, elle même étant affaiblie et paralysée par de nombreux autres problèmes, cela a donner naissance à des agglomérations chaotiques.
Ces espaces urbains crée caractérisés par un surpeuplement, une absence d’hygiène et
d’infrastructures, s’organisent à leur manière, développant des activités qui échappent au fisc et aux statistiques, les habitants réduisent au maximum les occasions de contact avec les structures administratives et exploitent paradoxalement toutes les possibilités offertes par les lois pour défendre leur cause et revendiquer d’autres avantages.
Des fléaux sociaux, conditions parfois inhumaines, conditions sanitaires déplorables,
pollutions, le concept de « crise » octroyé à la ville ne possède pas assez de force pour traduire un tel univers.
Par MILOUS Ibtissem, chercheur à l’université de Constantine