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mercredi, juin 7, 2023

Décryptage. Pourquoi l’actuelle lutte contre la corruption demeure encore inefficace et pas sérieuse

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Comprendre  la crise actuelle implique de saisir les liens dialectiques entre la production de la rente –Sonatrach- et sa distribution à travers le système financier  notamment les banques publiques qui canalisent  plus de 85% des crédits octroyés au secteur public et privé. Dans ce contexte, l’Algérie a besoin  d’une réforme profonde du ministère des finances qui doit être couplé  avec celui du commerce (une seule DG suffirait) pour plus de cohérence. 

La réforme du système financier, intimement liée à la démocratisation de la société et à la liberté d’entreprendre sans contraintes bureaucratiques  ne saurait se limiter à la rapidité de l’intermédiation à travers l’informatisation, pourtant nécessaire, qui  n’a jamais eu lieu depuis l’indépendance politique, car étant un enjeu crucial de luttes de  pouvoir de redistribution  de la rente à travers des relations de clientèles diffuses.

Sans sa réforme profonde autant que celle de des institutions (l’administration centrale/locale)  et de la justice, il serait utopique de s’attaquer à l’essence de la corruption, se limitant à des actions conjoncturelles où demain les mêmes causes produiront les mêmes effets. La  réforme urgente étant une question de sécurité nationale, doit toucher  toutes les structures du Ministère des finances où des audits poussés doivent être entrepris pour combattre de nombreux dysfonctionnements :

–  Revoir le fonctionnement de toutes les banques publiques, simples guichets administratifs,  notamment les directions et sous-directions de crédit, avec leurs antennes régionales  qui  canalisent plus de 85% des crédits octroyés, parfois de complaisance, sans études d’impacts précis.

– Revoir le fonctionnement de la Banque d’Algérie qui selon la loi dépend de la Présidence de la République et non pas de l’exécutif, notamment la direction des transferts de devises

– Réétudier le fonctionnement des caisses de garanties octroyant parfois des garanties  de complaisance comme cela a été constaté récemment,

– Revoir le fonctionnement de la Direction Générale de la fiscalité avec ses antennes régionaux, avec des non-recouvrements faramineux qui demeurent jusqu’à aujourd’hui inexplicables  car les seuls pénalisés étant les salariés et fonctionnaires dont la retenue est à la source

– Réévaluer la gouvernance des domaines avec ses antennes régionaux, incapables d’avoir un registre cadastre transparent afin d‘éviter le bradage du patrimoine national,

– Procéder à une nouvelle expertise des services des douanes qui fonctionnent jusqu’à aujourd’hui encore sans tableaux des valeurs économiques et financières reliés aux réseaux tant nationaux et internationaux, comme je l’ai préconisés entre 1982/ 1983 en tant que haut magistrat et DG des études économiques à la Cour des comptes dont le véritable travail n’a jamais vu le jour réellement car touchant de puissants intérêts rentiers.

Les exportations en valeur ont été  en 2018 de  41,17 milliards de dollars (moyenne annuelle 70 dollars le baril)  et  pour 2019, entre 30/31 milliards de dollars, hypothèse cours moyen 60/62 dollars et gaz 4/5 dollars le MBTU (prévision). Quant aux importations, elles ont été en 2018 de  46,19 milliards de dollars US avec une prévision en 2019  45 milliards de dollars (prévision montant incompressible).

A cela, il faut ajouter pour les sorties de devises le poste services où  selon la banque d’Algérie, au cours des 9 dernières années, les importations de services ont fluctué entre un bas de 10,776 milliards de dollars (2013) et un haut de 11,696 milliards (2014) dont la facture fluctue entre 2010/2018 entre 10/11 milliards de dollars annuellement qui impacte négativement la balance des paiements avec une sortie de devises 2018/2019 entre 55/56 milliards de dollars.

Avec la crise politique qui paralyse actuellement l’économie,  nous avons eu une baisse d’environ  7 milliards de dollars entre janvier et avril soit en quatre mois, environ 72 milliards de dollars fin avril 2019,  et à ce rythme la baisse fin 2019 serait de 21 milliards de dollars. Les  investissements tant nationaux que directs étrangers fléchissant à cause de la crise politique et au  rythme de la  dépense publique qui tire à plus de 80% la croissance (75/80% des entrants des entreprises publiques et privées étant importés), la  loi de finances 2019 fonctionnant  sur la base d’un cours  de pétrole  supérieur à 105 dollars  le baril, les réserves de change  risquent de clôturer  à environ 58 milliards de dollars fin 2019, 37 en 2020, 16 milliards de dollars fin 2021 et une cessation de paiement avant le premier trimestre 2022.

Les réserves de change maintenant  la cotation du dinar algérien à plus de 70%, dans l’hypothèse d’un  niveau de 10/15 milliards de dollars,  la Banque d’Algérie sera contrainte de dévaluer le dinar officiel à environ 200/220 dinars un euro avec une envolée du cours sur le marché parallèle qui fluctuera en fonction du taux d’inflation entre 300/400 dinars un euro et beaucoup plus si le taux d’inflation dépasse les 20/30% en cas d’accélération  du financement non conventionnel  et du maintien de l’actuelle politique économique facteur d’une productivité et production interne faible.

Méditons attentivement l’expérience vénézuélienne, naguère parmi les premiers réservoirs mondiaux de pétrole et une économie en semi-faillite.

Les  lois économiques sont insensibles aux slogans politiques populistes  et le temps  ne se rattrape jamais en économie et plus la crise politique perdure plus le pays s’enfoncera dans une crise sans issue. Il ne faut pas être utopique les hydrocarbures brut  et semi constitueront encore pour longtemps la principale rentrée de devises (97/98%).

 Les exportations hors hydrocarbures non compris les dérivées d’hydrocarbures n’ont représenté qu’environ 700 millions de dollars en 2018, et peut être moins pour la clôture de l’année 2019, loin des déclarations euphoriques du ministère du commerce. Or, le cours du pétrole  a subi une baisse brutale   étant coté le 15 aout 2019  à 58,30 dollars pour le Brent  et à 54,66 dollars le baril pour le Wit suivi du cours sur le marché libre du gaz naturel , représentant 33% des recettes de Sonatrach en 2018, coté également le 13/08/2019  à 2,11  dollars le MBTU ayant fluctué ces 12 derniers mois entre 4,93 et 2,06 le MBTU, où à ce cours l’Algérie peinera à couvrir les frais de production.

Et la solution se trouve dans le dialogue productif avec ces concessions réciproques privilégiant uniquement l’avenir de l’Algérie, entre le pouvoir, l’opposition et la majorité de la société civile représentative avec finalité une élection transparente,(commission indépendante de la présidence et de l’exécutif) ) loin de ces réunionites et  commissions qui font perdre du temps au pays. Il appartiendra au futur président, qui doit être élu sur la base d’un programme précis,  d’entamer rapidement les réformes tant politiques qu’économiques urgentes.  Car dans le cas du retour au FMI  2021/2022,  il serait utopique tant pour le pouvoir, l’opposition comme El Hirak de parler d’indépendance sécuritaire, politique qu’économique. Nous aurons alors  des incidences géostratégiques négatives de déstabilisation de la région méditerranéenne et africaine  que ne souhaitent ni les Etats Unis d’Amérique, ni l’Europe,  comme je l’ai souligné dans  deux interviews parues dans les colonnes des médias AfricaPresseParis et l’American Herald Tribune.

Par le Professeur Abderrahmane Mebtoul 

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