L’histoire étant le fondement de la connaissance et de l’action future, ne se découpe pas en morceaux, vu l’existence des imbrications dialectiques au cours du temps. Dans la suite de mes contributions, dont celles parues sur Algerie Part, pour comprendre la situation de 1963 à 2019 dont la nature du système a changé de forme mais pas dans ses fondements ( essence) et tracer les perspectives 2019/2025/2030, il me semble fondamental de saisir les liens entre la rente des hydrocarbures qui irrigue tout le corps social et les logiques de pouvoir, la période de 1963 à juin 2019 étant encore une transition inachevée tant sur le plan politique qu’économique.
C’est l’hymne à la liberté chanté en 1962 dans les rues de l’ensemble de l’Algérie indépendante, les espoirs suscités par le socialisme spécifique à l’algérienne, la nationalisation des fermes des colons par l’autogestion qui devait élever la production, restauré les paysans dans leur dignité, mais aussi les luttes de pouvoir entre l’Intérieur et l’Extérieur.
Le 19 juin 1965, le Président élu auparavant est destitué et c’est le discours du sursaut révolutionnaire du fait que l’Algérie serait au bord de la faillite. Il fallait la redresser, grâce à un pouvoir fort qui résisterait aux évènements et aux hommes, à travers trois axes : la révolution industrielle, la révolution agraire, et la révolution culturelle, en prenant comme base le plan économique du programme de Tripoli qui repose sur la dominance du secteur d’Etat, comme fer de relance de l’économie nationale, à travers les grosses sociétés nationales. Ceux sont les discours triomphants de constructions des usines les plus importantes du monde, du bienfait de la révolution agraire, garantie de l’indépendance alimentaire, de l’école et de la santé pour tous et de la promesse solennelle que nous deviendrons, horizon 1980, le Japon de l’Afrique avec les lancements du plan triennal 1967-1969,du premier quadriennal 1970-1973 et du second quadriennal 1974-1977. Le système d’information, socio-éducatif participait à ces slogans idéologiques, comme façonnement des comportements.
Nous assistons aux discours de la vertu des fameuses industries industrialisantes avec la priorité à l’industrie dite lourde et au niveau international de l’Algérie leader du nouvel ordre économique international dans sa lutte contre l’impérialisme cause fondamentale du sous-développement. Et voilà qu’après la mort du Président après une longue maladie et une lutte de pouvoir qui se terminera par un compromis, et la venue d’un nouveau président , qu’en 1980 , nous apprenons de la part des responsables politiques que cette expérience a échoué et que la période passée était une décennie rouge. Les nombreuses commissions dont les résultats sont jetés dans les tiroirs après des exploitations politiques contribueront à ces dénonciations.
Du fait de la compression de la demande sociale durant la période précédente et surtout grâce au cours élevé du pétrole, les réalisations porteront sur les infrastructures, la construction de logements et l’importation de biens de consommation finale avec le programme anti-pénurie avec la construction sur tout le territoire national des souks El Fellah grandes surfaces commerciales relevant de l’Etat. L’Algérie ne connaît pas de crise économique selon les propos télévisés d’un ex Premier Ministre, qui touchait en ces moments les pays développés avec un baril en termes de parité de pouvoir d’achat 2015, équivalent à 90/95 dollars. C’est alors l’application mécanique des théories de l’organisation, en les fractionnant car les grosses sociétés nationales ne seraient pas maîtrisables dans le temps et l’espace.
Mais, en 1986, la population algérienne contemple l’effondrement du cours du pétrole les listes d’attente et l’interminable pénurie. Et voilà que nous avons un autre discours : les algériens font trop d’enfants, ne travaillent pas assez. C’est à cette période que s’élaborent les premières ébauches de l’autonomie des entreprises publiques avec la restructuration organique. L’on fait appel à la solidarité de l’émigration que l’on avait oubliée. Il s’ensuit l’effondrement du dinar dont on découvre par magie que la parité est en partie fonction du cours du dollar et du baril de pétrole et non au travail et à l’intelligence, seules sources permanentes de la richesse. On loue alors les vertus du travail, de la terre, l’on dénonce les méfaits de l’urbanisation, du déséquilibre entre la ville et la campagne, et l’on redécouvre les vieux débats entre partisans de l’industrie lourde qui serait néfaste, les bienfaits de l’industrie légère et la priorité à l’agriculture dont on constate le niveau alarmant de la facture alimentaire. Et comme par enchantement c’est le slogan de l’homme qu’il faut à la place qu’il faut et au moment qu’il faut.
Conséquence de la crise de 1986 qui a vu s’effondrer les recettes d’hydrocarbures de 2/3, contredit ces discours populistes, et c’est le début timide d’une presse libre et d’un multipartisme que l’on tente de maîtriser par l’éclosion de Partis (une famille pouvant fonder un parti avec des subventions de l’Etat) avec la naissance d’une nouvelle constitution en 1989 qui introduit des changements fondamentaux dans notre système politique qui avait un caractère monocratique depuis l’indépendance conférant ainsi à notre système politique un caractère pluraliste.
Elle était cependant porteuse d’une vision hybride de la société, dans la mesure où des articles renvoyaient à des options politico-économiques et politico-idéologiques contradictoires. Sur le plan économique, entre I989-I990 c’est l’application des réformes avec l’autonomie de la banque centrale, à travers la loi sur la monnaie et le crédit, la tendance à la convertibilité du dinar, la libéralisation du commerce extérieur, une tendance à l’autonomie des entreprises et l’appel, très timidement, à l’investissement privé national et international sous le slogan secteur privé facteur complémentaire du secteur d’Etat. Après le socialisme spécifique, c’est l’économie de marché spécifique avec la dominance du secteur d’Etat soumis à la gestion privée. Effet de la crise économique, nous assistons à une crise politique sans précédent qui couvait déjà puisque un ex chef de gouvernement qui agissait dans le cadre de la Constitution de 1976, amendée en 1989, s’est opposé au chef de l’Etat refusant de démissionner en invoquant la responsabilité politique de son gouvernement devant la seule Assemblée nationale, qui était aux mains du FLN dont le président n’était autre que le même Président. La crise fut accélérée par des élections législatives, coordonnées par un nouveau chef de gouvernement issu des hydrocarbures. Une explosion sociale s’ensuivit dont l’aboutissement sera la démission de ce Président après plus d’une décennie de pouvoir.
Le procès est fait cette fois à la décennie noire de 1980/1990. Et c’est la liste interminable de chefs de gouvernement et de ministres, changement successif du à la profonde crise qui secoue le pays. C’est la naissance du Haut Comité d’Etat (HCE), la venue d’un historique et figure charismatique qui donnera une première lueur d’espoir, présidera à peine six mois le HCE avant d’être assassiné, son remplacement par un autre membre du HCE, avec parallèlement, un Conseil Consultatif faisant œuvre de parlement désigné. L’on rappellera comme chef de gouvernement le père de l’industrie lourde des années I970 qui prônera l’économie de guerre. Son départ fut rapide du fait de la cessation de paiement.
Lui succédera un premier ministre membre du HCE artisan du programme de Tripoli de qui signera l’accord de rééchelonnement avec le FMI, démissionnant tout juste après, l’Algérie étant en cessation de paiement n’ayant pas de quoi acheter un kilo de farine. Les accords avec le FMI verront une forte dévaluation du dinar qui est passée de 4 dinars un dollar vers les années1980, à 45 dinars exigence du FMI.
C’est durant cette période qu’est signé l’accord pour le rééchelonnement de la dette en mai 1993 avec le Club de Paris (dette publique) et le Club de Londres (dette privée ), accompagné d’un Programme d’ajustement structurel (PAS) entre l’Algérie, le FMI, la Banque mondiale (BIRD) et l’Union européenne afin de remédier aux déséquilibres de la balance des paiements fortement affectée par la chute des cours des hydrocarbures et du poids de la dette extérieure. La période qui suit verra un chef d’Etat avec un parlement de transition à savoir le CNT (conseil national de transition) combinaison d’associations et de partis politiques désignés. Viendront les élections de ce Président axées sur le rassemblement, pour sortir le pays de la crise et une nouvelle constitution (1996) qui va s’attacher à éliminer les éléments de dysfonctionnement de la Constitution de 1989 en encadrant de manière sévère les mutations. Elle crée la seconde chambre, dite Conseil de la nation, et par le truchement de l’article 120, lui donne pratiquement le pouvoir de bloquer un texte de loi voté par la première chambre, l’APN.
Mais fait nouveau et important, elle limite le mandat présidentiel à deux étalé sur cinq années. Mais nous sommes toujours dans la même ambiguïté politique en maintenant le caractère dual de l’Exécutif, (ni régime parlementaire, ni régime présidentiel) tout en consolidant le système de Conseils existants dont l’institution d’un Haut Conseil Islamique et d’un Haut Conseil de Sécurité qui est présidé par le président de la République. C’est à cette période que naît le Parti le rassemblement national démocratique (R.N.D) dont le fondement du discours est la lutte anti-terroriste , qui raflera presque tous les sièges en 8 mois d’existence tant de l’APN que du Sénat au détriment du Parti FLN et qui provoquera par la suite des protestations interminables et une commission sur la fraude électorale dont les conclusions ne verront jamais le jour.
Les parlementaires du fait de la situation sécuritaire de l’époque, auront surtout pour souci de voter pour soi-même des rémunérations dépassant 15 fois le SMIG de l’époque alors que la misère se généralise, oubliant naturellement du fait de la généralisation des emplois- rente, qu’un parlementaire aussitôt sa mission terminée retourne à son travail d’origine et qu’une retraite automatique revient à afficher un mépris total pour une population meurtrie. Dans la foulée, la venue de deux chefs de gouvernement dont le premier technicien pratiquera le statut quo et le second Ahmed OUYAHIA l’application des accords du FMI qui aura à son actif le cadre macro-économique stabilisé mais avec des retombées sociales négatives du fait de la douleur de cet ajustement. Le président Liamine ZEROUAL démissionne et des élections sont programmées le 08 avril I999 avec l’élection d’un Président qui promet de rétablir l’Algérie sur la scène internationale, de mettre fin à l’effusion de sang et de relancer la croissance économique pour atténuer les tensions sociales
-La période de 1999 au 08 juin 2019
Sur le plan économique, c’est durant que nous assistons à l’accord signé pour une zone de libre-échange avec l’Europe applicable depuis le 1er septembre 2005,prorogé jusqu’à 2000 une nouvelle loi sur l’investissement, sur la privatisation, qui sera ensuite amendée le 03 aout 2016, (nouveau code d’investissement ), la loi sur les Mines, la loi sur l’électricité et le transport du gaz par canalisation et l’amendement de la loi sur les hydrocarbures qui postule pour ce segment que la Sonatrach sera majoritaire au moins de 51% tant à l’amont, l’aval que pour les canalisations. La loi de finances complémentaire 2009 avalisée par la loi de finances 2010 introduit la préférence nationale avec la règle des 49/51%, dont aucun bilan n’a été fait à ce jour, élargie aux banques ainsi que des mesures d’encadrement des transferts de capitaux.
Utopie bureaucratique et esprit rentier, l’on veut généraliser cette règle même au commerce qui n’existe même pas en Chine alors que l’objectif stratégique est le transfert technologique et managérial avec des minorités de blocage afin d’éviter des délocalisations sauvages, la règle 49/51% pouvant s’appliquer aux segments stratégiques qu’il faut définir avec précision, avec une tendance au retour au tout à l’Etat gestionnaire via la dépense publique , à ne pas confondre avec l’Etat régulateur stratégique en économie de marché, le privé local de la sphère réelle ayant des capacités financières, technologiques et managériales fortement limitées, fortement connecté au secteur public par des relations de clientèles.
Concernant le commerce extérieur nous avons des tâtonnements interminables avec des conflits internationaux notamment avec l’Europe notre principal partenaire : licences d’importation en promettant une facture d’importation de biens entre 2015/2017 de 30 milliards de dollars, données qui seront démenties par la suite où avec les sorties de devises des services les sorties de devises fluctuent entre 55/58 milliards de dollars , où nous assistons à une incohérence de discours de responsables, à un manque flagrant de la politique industrielle où l’on agrée tous azimut des usines de montage de voitures sur les anciens modèles avec des avantages exorbitants qui contribuent à la baisse des réserves de change tout en n’exportant pas et les prix toujours à la hausse et récemment la suppression des licences d’importation avec une taxation d’un millier de produits , mesures transitoires, posant la problématique du niveau de la production nationale pour éviter un processus inflationniste.
Comme a été modifiée la loi sur la monnaie et le crédit introduisant le financement non conventionnel (planche à billets qui représente en 2018 dans sa première phase ente 20/25% du PIB) qui non maitrisée et s’il ne s’adresse pas aux segments créateur de valeur ajoutée risque de conduire à un processus inflationniste incontrôlée( déséquilibre offre/demande) et par ricochet en mettant à la disposition des opérateurs des dinars, ces derniers peuvent accélérer les importations en devises et donc réduire les réserves de change.
Sur le plan politique, en septembre 2005, nous avons le référendum sur la réconciliation nationale avec un vote massif en faveur de la paix, dossier qui selon certains indiscrétions aurait été ficelé avant l’arrivée du nouveau président. Un chef de gouvernement est nommé après plus de 8 mois d’attente mais son mandat sera de courte durée, à peine une année, du fait des conflits de compétences. Un second chef de gouvernement Ali BENFLIS lui succédera mais qui démissionne, tout en se présentant candidat à la présidence avec comme conséquence une dualité dans les rangs du FLN dont il est issu. Il est remplacé par le Secrétaire Général du RND Ahmed OUYAHIA. Viennent ensuite les élections du 08 avril 2004 qui sont largement remportées par le précédent Président avec trois chefs de gouvernement successifs : premièrement le secrétaire général du RND qui a été chargé des élections de 2004, puis le secrétaire général du FLN Abdelaziz BELKHADEM courant 2007, ce Parti avec les élections successives étant devenu majoritaire tant au niveau de l’APN que du Sénat, avec peu de modification dans la composante ministérielle puisque le nouveau chef de gouvernement n’a pu nommer aucun ministre entre mai 2006 et juin 2008, assistant d’ailleurs à la même composante à quelques variantes près depuis 10 années, idem pour les Walis et les postes clefs de l’Etat. Puis à nouveau courant 2008 voilà le retour du secrétaire général du RND qui sera chargé des élections d’avril 2009.C’est également durant cette période courant novembre 2008 qu’est amendée la constitution, à la majorité des deux chambres, les députés et sénateurs. Cet amendement ne limite plus les mandats présidentiels, tout en supprimant le poste de chef de gouvernement en le remplaçant par celui de premier ministre consacrant un régime semi-présidentiel.
Dans la foulée, l’élection présidentielle s’est tenue le 09 avril 2009 où l’ancien président est réélu pour un nouveau mandat de cinq années (2009/2014). Mais fait nouveau, une crise mondiale sans précédent depuis la crise d’octobre 1929 est apparue en octobre 2008. En septembre 2012, à la place d’Ahmed OUYAHIA, qui sera désigné directeur de cabinet à la présidence de la république, est nommé Abdelmalek SELLAL premier ministre qui sera directeur de campagne pour une nouvelle élection présidentielle le 17 avril 2014, remportée par Abdelaziz BOUTEFLIKA. Abdelmalek SELLAL dirigera quatre gouvernements successifs ayant été directeur de campagne plusieurs fois du président Bouteflika du 4 Septembre 2012 au 11 Septembre 2013, du 11 Septembre 2013 au 13 Mars 2014 , du 5 Mai 2014 au 14 Mai 2015 et du 14 Mai 2015 au 24 juin 2017.Viendra ensuite la révision de la constitution par les deux chambres (Loi n° 16-01 du 6 mars 2016) limitant le mandat du président à deux en précisant que toute loi n’est jamais rétroactive. Nous assistons en 2017 à la nomination d’Abdelmadjid Tebboune au poste de Premier ministre du 25 mai au 15 aout 2017 qui sera démis de ses fonctions, le 15 août, trois mois après sa nomination à la tête du gouvernement et à nouveau la nomination d’Ahmed Ouyahia comme premier ministre. Vient ensuite l’annonce par les Partis de l’alliance présidentielle FLN-RND,PMA, TAJ, l’ANR et touts leurs satellites dont l’UGTA le FCE de présenter le président Bouteflika pour un cinquième mandat durant le mois d’avril 2019 avec le retour de Abdelmalek Sellal comme directeur de campagne, qui sera remplacé après des remous par Abdelghani Zaalane.
Suite à cette annonce dénoncée par l’opposition qui y voit un coup de force, le président étant malade certains parlant de forces anticonstitutionnelles qui se seraient accaparés du pouvoir réel, vient AL HIRAK avec une protestation populaire des 48 wilayas jamais vue depuis l’indépendance politique. Depuis le président annonce une conférence nationale, assurant la transition, mais sans préciser de dates et nomme un gouvernement sous la direction de Noureddine Bedoui quia avait été accusé par Ahmed Ouyahia secrétaire général du RND d’avoir trafiqué les élections notamment dans la wilaya de Tlemcen au profit du FLN et pour cette élection l’entrée en masse de privés comme députés, pour la majorité afin d’avoir l’immunité parlementaire.
C’est durant cette période que nous avons assisté à un fait inédit, d’une extrême gravité, des cadenas au niveau de l’APN pour forcer l’ancien président de l’APN qui sur instance de l’ex secrétaire général du FLN Ould Abbas sera remplacé, bien que n’ayant jamais démissionné donnant un coup fatal la crédibilité des institutions. Cette annonce est rejetée massivement et le président est contraint de démissionner et selon la Constitution est remplacé par le président du Conseil de la Nation qui fixe la date de l’élection présidentielle le 04 juillet 2019, ainsi que la démission du président du conseil constitutionnel Tayeb Belaiz.
La protestation continue du 22 février au 08 juin 2019, exigeant le départ des 3B ( Boucharab, Bensalah et Bedoui). Durant cette période, nous assistons à plusieurs évènements importants avec l’intensification de la protestation populaire rejoint par plusieurs corporations le vice ministre de la défense nationale , chef d’Etat major de l’ANP annonce que l’ANP, accompagnera le mouvement populaire dans le adre du respect de la Constitution, l’ouverture de dossiers lourds sur la corruption qui menace la sécurité nationale , touchant Khalifa, Sonatrach, la route Est –Ouest, le PNDA l’affaire dite du Boucher, les surcouts de projets ayant entrainé dess trafics en dinars au niveau local, des transferts illicites de devises concernant tant les responsables des secteurs publics que privés au niveau central que local, où nous assistons à des convocations d’anciens premiers ministres comme Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, bon nombre de ministres et le dossier n’étant pas clos étant annoncé d’autres ministres,PDG walis, président d’APC ect….Vient ensuite le dépôt des candidatures pour l’élection présidentielle où seuls deux candidats clandestins ont déposé leurs dossiers contre plus de 75 dossiers d’intention au niveau du Ministère de l’Intérieur. Le Vice Ministre de la défense national chef d’Etat major de l’ANP anticipant cet échec dans un discours prône le dialogue insistant que chaque partie devra faire des concessions, devant privilégier les intérêts supérieurs de l’Algérie. Dès lors logiquement, le Conseil Constitutionnel le 02 a invalidité l’élection du 04 juillet 2019. De toute manière, il était illusoire, voire utopique de prévoir l’élection présidentielle pour le 04 juillet 2019 où on assiste à une désobéissance civile tant des présidents d’APC que des magistrats dans bon nombre de wilayas, avec le risque d’un boycott massif ne résolvant en aucune manière la crise qui est avant tout politique, au contraire avec le risque de l’amplifier. Le discours prononcé le 07 juin 2019 par le Chef d’Etat demandant un dialogue n’a pas convaincu grand monde, les manifestations des 48 wilayas , s’étant amplifiées avec les mêmes revendications.
Quelle issue à la crise actuelle ?
Il ne fait plus aucun doute qu’il sera difficile, sinon impossible, de tenir l’élection présidentielle sauf à discréditer l’Algérie au niveau international sans un dialogue productif et un compromis entre le pouvoir, Al Hirak et l’opposition. C’est le message tant du Vice Ministre de la défense nationale, chef d’Etat major de l’ANP que du chef de l’Etat dans son discours du 06 juin 2019 à la Nation appelant à la négociation dans le cadre strict de la Constitution. Le temps ne se rattrape jamais en économie, conduira à la régression économique et sociale avec des réserves de change tendant vers zéro, 79,8 milliards de dollars fin 2018, 62 en 2019, 47,8 en 2020 , 33,8 milliards de dollars en 2021 et 12/15 milliards de dollars courant 2022 , baisse plus rapide que celle annoncée par la banque d’Algérie si la crise politique persiste avec la cessation de paiement en 2022 et l’inévitable retour au FMI (voir notre interview Algérie Radio Internationale 06/06/2019). Alors quel dirigeant algérien, pouvoir ou opposition, pourra alors parler d’indépendance économique, politique, voire sécuritaire, existant un lien dialectique entre sécurité et développement, conditionné par de profondes réformes.
La situation donc est complexe d’où l’importance d’un dialogue productif avec des concessions réciproques.. Les expériences réussies de la transition économique et politique ont été faites graduellement, les forces réformistes ayant intégrés les forces conservatrices dans une dynamique nouvelle ou la moralité a été la règle.
Sans s’attaquer au fonctionnement du système, même si on remplace des personnes par d’autres, ces dernières verseront comme leurs prédécesseurs dans la corruption. Nous avons trois scénarios dans le cadre du respect strict de la Constitution, l’ANP accompagnant et garantissant le processus .Nous avons un premier scénario -Maintien de l’actuel chef d’Etat et de l’ actuel gouvernement qui fixerait une nouvelle date des élections avant la fin de l’année 2019, après a avoir mis à jour le fichier électoral et adopté une instance nouvelle de suivi des élections indépendant de l’exécutif, avec une date butoir pour l’élection présidentielle ne devant pas dépasser six à huit mois. Ce scénario rejeté par la majorité d e l’opposition et d’Al Hirak nous conduirait au même scénario de l’échec de la date de l’élection du 04 juillet 2019 où aucun candidats sérieux ne se présenterait.
Nous avons un deuxième scénario avec le maintien de l’actuel chef d’Etat jusqu’aux prochaines élections présidentielles, avant la fin de l’année , démission de l’actuel gouvernement, où le chef de l’Etat nommerait un nouveau gouvernement « de compétences nationales « neutres » chargé de gérer les affaires courantes et le suivi des dossiers au niveau international ,la création d’une instance indépendante la mise à jour le fichier électoral et adopté une instance nouvelle de suivi des élections indépendant de l’exécutif, avec une date butoir pour l’élection présidentielle ne devant pas dépasser six à huit mois. Qu’en sera t –il de ce scénario en cas d’une mobilisation populaire et du rejet de l’opposition, ce qui nous conduirait au même scénario de l’échec de la date de l’élection du 04 juillet 2019 où aucun candidat sérieux ne se présenterait ? Quant au troisième scénario, nous avons le départ à la fois du chef de l’Etat à l’expiration de son mandat constitutionnel et l’actuel gouvernement. Entre temps le chef de l’Etat a le pouvoir de nommer un nouveau président du conseil constitutionnel après la démission de l’actuel avant l’expiration de son mandat , l’actuel président du Sénat étant intérimaire, selon la constitution , serait ipso facto le nouveau chef de l’Etat qui dès lors nommerait un nouveau gouvernement « de compétences nationales « neutres » chargé de gérer les affaires courantes et le suivi des dossiers au niveau international ,la création d’une instance indépendante la mise à jour le fichier électoral et adopté une instance nouvelle de suivi des élections indépendant de l’exécutif, avec une date butoir pour l’élection présidentielle ne devant pas dépasser six à huit mois. Nous avons trois scénarios combinant le respect de la constitution et la situation exceptionnelle politique impliquant une lecture plus large de la Constitution, l’ANP accompagnant et garantissant le processus.
Il existe un quatrième scénario, c’est réactiver les prérogatives du Conseil de sécurité , nous ramenant en gros au même cadre du HCE par la nomination d’une direction collégiale , chiffre impair de trois à cinq , le président ayant deux voix lors d’un vote , qui serait chargé de la mise en place d’une instance indépendante la mise à jour le fichier électoral et adopté une instance nouvelle de suivi des élections indépendant de l’exécutif et nommerait un nouveau gouvernement « de compétences nationales « neutres » chargé de gérer les affaires courantes et le suivi des dossiers au niveau international toujours avec une date butoir pour l’élection présidentielle ne devant pas dépasser six à huit mois. Certains proposent un cinquième scénario , c’est la tenue d’une conférence nationale avec des élections régionales pour désigner les représentants d’Al Hirak et certains segments de partis et de la société civile n’ayant pas été impliqués dans la corruption et la gestion antérieure, mais sans calendrier précis. Cette conférence désignerait alors un collectif chargé de réviser le ficher électoral et la mise en place d’une commission de surveillance de sélections ainsi qu’un gouvernement de compétences nationales. Mais qui représente qui et sur quels cirières se fera la désignation, certains sur les plateaux de télévisions s’autoproclamant déjà représentent ?
Comment concilier les différents courants idéologiques qui traversent tant les partis, la société et le Hirak Doit-on s’en tenir à la période 2000/2019 alors que bon nombre de malversations ont été commises également durant les périodes antérieures notamment entre 1990/1999 et qui ont été gestionnaires et responsables de la cessation de paiement et au rééchelonnement du pays vers les années 1992/1995? Dans ce scénario, le FMI arrivera plus rapidement que prévu. Un autre courant se référant aux articles 07 et 08, certains partis, propose d’aller vers une constituante avec une institution collégiale avec pour tâche la rédaction, ou l’adoption, d’une constitution, c’est-à-dire le texte fondamental d’organisation des pouvoirs publics d’un pays. Dans ce cas, même si l’idée semble noble à priori, du fait des divergences idéologiques politiques et économiques tant au sein d’Al Hirak que de l’opposition : ira t- on un régime fédéral, parlementaire, semi-présidentiel ou présidentiel et comment concilier sur le plan de la future démarche socio-économique qui est l’enjeu principal, les points de vue des ultra gauchistes , des gauchistes, des ultra droitistes, des libéraux modérés, des sociaux démocrates, des islamistes et de ceux qui se proclament démocrates ?
En fonction des expériences historiques, ce scénario peut durer des années, le haut commandement de l’armée ayant exclus ce scénario qui amplifiera encore plus la crise que connait l’Algérie. Nous avons le septième scénario face à une situation d‘une extrême gravité, c’est l’instauration de l’état d’exception qui désigne, de façon générale, des situations où le droit commun est suspendu, ce qui peut se référer à des cas juridiques distincts, tels que l’état d’urgence, l’état de guerre, l’état de siège, la loi martiale, etc.. C’est l’armée qui prend le pouvoir et gèle toutes les institutions jusqu’à l’élection présidentielle. Le haut commandement de l’Armée algérienne a exclu ce scénario qui isolerait encore plus l’Algérie de la scène internationale et ne résoudrait pas la crise.
En résumé, au XXIème siècle, les batailles économiques en Algérie seront remportés grâce à la bonne gouvernance et la valorisation du savoir ». L’important est de signaler qu’il n’y a pas de citoyens sans projet social et il n’y a pas de projet économique durable qui ne soit pas lié à un projet social.
Il s’agit de restaurer à l’Etat sa vocation naturelle, le soumettre au principe d’efficacité conçu selon une démarche démocratique, la puissance publique dépendant trop des corporations rentières ce qui conduit à un éparpillement et un accroissement des dépenses de l’Etat qui ne sont pas proportionnelles à leur efficacité. D’où l’urgence du renouveau du service public et l’optimalisation de l’effet de la dépense publique en introduisant plus de rigueur budgétaire passant par des institutions crédibles renvoyant à une gouvernance centrale et locale rénovée passant par une réelle décentralisation. Aussi, les défis qui attendent l’Algérie sont nombreux et complexes du fait de l’important retard dans la mise en œuvre de véritables réformes politiques et économiques…
Tout politique de développement de 2019 à 2025/2030 n’aura de chances d’aboutir que si d’abord l’on tient compte des trajectoires du passé pour ne pas renouveler les mêmes erreurs, que s’il y a mise en place de nouvelles institutions débureaucratisées, un minimum de consensus social pour sa mise en œuvre, tout projet étant porté par les acteurs politiques, sociaux et économiques, identifiant clairement le rôle des acteurs, et une autre échelle de valeurs fondée sur une économie réhabilitant le travail et l’intelligence en fait la morale pour favoriser les véritables créateurs de richesses au sein d’un monde en perpétuel mouvement . Aussi, l’Algérie sous réserve de la stabilité, de la sécurité, d’une nouvelle gouvernance, a toutes les potentialités de sortie de crise en conciliant efficacité économique et la nécessaire cohésion sociale.
Nous devons prendre conscience de la gravité de la situation , les scénarios deux, trois et exceptionnellement quatre me semblent les plus appropriés afin d’éviter une crise institutionnelle. Le dialogue productif entre les différentes composantes de la société est fondamental pour faire avancer les réformes devant éviter le chauvinisme étroit et l’autosatisfaction, contraire à la dure réalité quotidienne des Algériens, qui ne peut que conduire à une névrose collective.
Les différentes composantes de notre société, doivent concourir ensemble à la paix, à la sécurité et à la stabilité condition de profondes réformes permettant un développement durable au profit de tous les Algériennes et Algériens. Il s’agit là de l’unique voie que doivent emprunter les Algériens afin de transcender leurs différends, à vaincre la haine et les peurs qui les habitent, à exorciser leurs démons et à trouver de nouvelles raisons de vivre harmonieusement ensemble et de construire, toujours ensemble, le destin exceptionnel que de glorieux aînés de la génération du 1er Novembre 1954 ont voulu désespérément pour eux. J’ose espérer un avenir meilleur pour mon pays, en ces moments de grands bouleversements géostratégiques, fondé sur un Etat de Droit, plus de tolérance, d’espace de libertés et le renforcement du dialogue productif, loin de tout extrémisme.
Par le professeur Abdelrahmane Mebtoul