Trois paramètres stratégiques déterminent l’avenir de l’économie algérienne : le cours du pétrole, la pression démographique et l’évolution des réserves de change.
Sonatrach c’est l’Algérie et l’Algérie c’est Sonatrach. C’est une vérité qui va perdurer encore pendant longtemps procurant directement et indirectement 98% des recettes en devise du pays. Aussi le cours tant du pétrole que du gaz conventionnel sur le marché international, échappant à la décision interne sera déterminant pour la couverture des besoins économiques et sociaux. Le rapport du mois de juillet 2018 du Fonds Monétaire International (FMI) interpelle les plus hautes autorités qui doivent analyser avec lucidité les perspectives de l’économie algérienne en fonction des contraintes internes et externes et ne plus naviguer à vue.
En ce mois de juillet 2018, l’Algérie n’est pas au bord de l’effondrement contrairement aux vues de sinistrose. Mais il faut être réaliste et ne pas verser dans la démagogie. La situation pourrait prendre une autre dimension et s’aggraver sans un changement sérieux dans le système de gouvernance pour s’adapter aux nouvelles mutations internes et mondiales.
Il y a une unanimité des experts nationaux et internationaux : le gouvernement actuel doit se rendre à l’évidence : il manque de prospectives sérieuses et donc de vision stratégique. Le plus grand ignorant est celui qui n’écoute pas, qui croit tout savoir , l’on doit impérativement s’éloigner de la démagogie populiste, approfondir la culture de la tolérance et privilégier les intérêts de l’Algérie et non les intérêts personnels
Selon le FMI dans son rapport de juillet 2018, en 2022, les réserves de change permettront moins de 5 mois d’importation et en 2023 estimées à 12 milliards de dollars avec moins de 3 mois d’importation.
Les réserves de change ont clôturé 96 milliards de dollars (hors DTS) fin 2017 et hors réserves d’or, l’Algérie possédant 173 tonnes d’une valeur, au cours de l’once actuel, d’environ 7 milliards de dollars et allant vers 85/87 milliards de dollars fin 2018 avec le risque d’épuisement 2021/2022. La croissance devrait ralentir très fortement dès 2020 en provoquant une augmentation du taux de chômage. Elle se traduira aussi par la persistance des déficits budgétaires et surtout des déficits externes qui vont éliminer progressivement toutes les marges de manœuvre dont dispose l’Algérie.
Pour 2017, dans le cadre de la Loi de finance 2017, le niveau est proche de 75 dollars sur la base des dépenses et du déficit clôturé. Pour 2018, il faut un baril d’environ 100 dollars, pour ne pas puiser les réserves de change et éventuellement les augmenter, au regard la Loi de finances complémentaire de 2018, approuvée le 5 juin 2018 , par le Conseil des ministres qui prévoit une enveloppe de 500 milliards dinars supplémentaire ( environ 4,4 milliards de dollars) pour financer des programmes, de la dépense publique actuelle, des dépenses improductives, des subventions généralisées sans ciblage, des surcoûts et une mauvaise gestion alimentant une large pratique de corruption.
Pour le FMI, les slogans politiques sont insensibles aux lois économiques applicables dans tous les pays et l’Algérie ne fait pas exception. Le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire aura un impact négatif à terme, qui selon la banque d’Algérie, les montants prêtés au Trésor seraient de l’ordre de 5723,1 milliards de dinars à fin mars 2018.
Certes, la poussée inflationniste n’est pas encore perceptible et la croissance tirée essentiellement par la dépense publique devrait être de 3% en 2018, contre 1,6% en 2017. Mais pour le FMI ce ne sont que des mesures conjoncturelles sans vision stratégique, le financement non conventionnel représentant 23% du PIB qui aura permis le financement au premier trimestre 2018, pour près de 50% des crédits à l’économie au secteur public aura aussi atteindre ses limites à partir de 2020 avec des taux d’inflation ( risque de la dérive vénézuélienne ) et de chômage record risquant de dépasser 2020/2022 les 15% avec plus de 25/30% pour le jeunes, ces analyses ont reprises récemment par la note de conjoncture du trésor français.
Je cite le rapport du FMI : « l’augmentation de la liquidité va stimuler la demande, ce qui se traduira par une hausse des prix à court terme en raison de l’insuffisance de l’offre intérieure et des possibilités d’épargne. Dans le même temps, le durcissement des barrières à l’importation risque d’alimenter les pressions inflationnistes en réduisant l’offre – voire en débouchant sur des pénuries pour certains produits. Les attentes en matière de salaire et de prix pourraient s’ajuster rapidement et se renforcer mutuellement. Les autorités pourraient alors se trouver obligées de recourir au financement monétaire au cours des années suivantes, ce qui risquerait d’entraîner l’économie dans une spirale inflationniste ». Le Fonds monétaire international conseille de « recourir à un large éventail d’instruments de financement, notamment l’émission de titres de dette publique au taux du marché, des partenariats public-privé, des ventes d’actifs et, idéalement, d’emprunts extérieurs pour financer des projets d’investissements bien choisis. Une dépréciation progressive du dinar « combinée à des efforts visant à éliminer le marché parallèle des changes favoriserait aussi l’ajustement ».
Ainsi, pour le FMI l’Algérie reste confrontée à des défis importants, posés de la baisse des prix du pétrole il y a quatre ans. Les choix économiques risquent également de « compliquer la gestion macroéconomique », « nuire à la croissance » et « aggraver les risques pour la stabilité financière à moyen terme ». En dépit d’un ajustement budgétaire important en 2017, les déficits budgétaire et du compte courant extérieur demeurent élevés. L’activité économique globale a ralenti, bien que la croissance hors du secteur des hydrocarbures soit restée stable.
Les politiques actuelles du gouvernement algérien affaiblissent la résilience de l’économie au lieu de la renforcer et sans réformes profondes, ces mesures risquent de conduire le pays dans l’impasse à l’horizon 2020/2022. Malgré les mesures d’éponger une partie des liquidités injectées au moyen du financement monétaire, la Banque d’Algérie qui a relevé le taux de réserves obligatoires de 4 % à 8 % en janvier et repris ses opérations d’absorption en prenant des dépôts bancaires à sept jours et envisageant également une augmentation modérée du taux directeur, le recours à la planche à billets pour financer le déficit budgétaire risque d’aggraver les déséquilibres, accentuer les tensions inflationnistes et accélérer la perte de réserves de changes.
Pour relever les défis futurs, se projeter sur l’avenir, loin de tout populisme dévastateur, une nouvelle gouvernance, un langage de vérité et la moralité des gouvernants s’imposent. Il y va de la sécurité nationale. Avec grande rigueur budgétaire, une meilleure gouvernance, un changement de cap de la politique économique actuelle, avec un baril entre 60/70 dollars, l’Algérie peut sens sortir car possédant d’énormes atouts.
L’endettement est faible, 20% du PIB, la dette extérieure 2,5% du PIB. Mais surtout l’Algérie a besoin d’un retour à la CONFIANCE pour sécuriser son avenir, de s’éloigner des aléas de la mentalité rentière, de réhabiliter le travail et l’intelligence , de rassembler tous ses enfants et toutes les forces politiques, économiques et sociales, évitant la division sur des sujets secondaires et d’apprendre à respecter nos différentes ou sensibilités pour garantir une meilleure cohésion sociale.
Par le Professeur des universités et expert international : le Dcoteur Abderrahmane MEBTOUL