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vendredi, septembre 29, 2023

Contrôle des importations : l’Algérie de Tebboune va-t-elle revenir à l’économie administrée ?

La nouvelle Algérie va-t-elle redevenir une économie administrée comme lors de l’époque socialiste ? C’est la question que l’on peut se poser sérieusement à la lumière de ce qui a été annoncé dans le communiqué officiel rendu public dimanche soir à la fin des travaux du Conseil des ministres. 

Dans ce communiqué officiel, il est clairement annoncé que l’Etat algérien » va soumettre, à l’avenir, tout engagement financier dans l’importation et toute transaction en devises, à l’approbation préalable du Conseil du Gouvernement en vue de protéger le produit national, encourager sa consommation au niveau local et préserver les réserves de change ». Il s’agit d’une mesure totalement inédite dans les temps modernes car cela signifie qu’aucun dossier d’importation de produits à l’étranger ne pourra être validé par les banques algériennes s’il ne bénéficie pas, au préalable, de l’accord du gouvernement algérien.

En clair, pour chaque opération d’importations en devises à l’étranger, il faut le feu vert du gouvernement algérien ! C’est le retour aux années de l’économie administrée et socialiste. Et, pourtant, nous sommes en 2020. Il faut savoir que depuis 1995,  tout opérateur économique algérien légalement constitué et domicilié auprès d’une banque commerciale algérienne publique ou privée a le droit d’accéder au commerce extérieur et aux ressources en devises de la Banque d’Algérie sans aucune autorisation préalable et suivant une pratique commerciale et économique aujourd’hui universellement admise. En effet, la quasi-totalité des pays du monde importent et exportent. C’est la base du commerce extérieur qui régit l’ensemble de la planète.

L’Algérie importe ces dernières années entre 47 et 45 milliards de dollars. Cela représente des milliers et des milliers de dossiers d’opérations d’importation à l’étranger. Comment l’Etat algérien va-t-il faire pour contrôler chaque dossier et donner son accord de principe pour telle ou telle opération d’importation ? Ce travail est-il réellement possible ? Non, absolument pas à moins de revenir à la case de départ : l’économie planifiée et socialiste.

En effet, la mesure de l’Algérie de Tebboune nous rappelle le Comité des Grands Equilibres institué par le pouvoir algérien vers 1986 pour arbitrer entre les importations indispensables et celles qui étaient jugées superflues en vue d’économiser les maigres ressources en devises encore disponibles. A cette époque, l’Algérie avait été ébranlée par le choc pétrolier de 1986 qui avait vidé les caisses de notre pays.

Rappelons-nous de ce qui s’est passé en 1986.  L’offre mondiale de pétrole a retrouvé des couleurs et dépasse largement la demande. Le cours du pétrole reste à un niveau stable grâce aux décisions de l’Opep qui tente tant bien que mal de le maintenir. L’Arabie saoudite va une nouvelle fois placer ses pions en augmentant sa production. Les pays de l’Opep, comme souvent, lui emboîtent le pas en augmentant à leur tour leur production. Le prix du baril de pétrole redescend sous la barre des 10 dollars. Un accord est finalement trouvé en 1987 et la situation revient à la normale avec un baril à 17 dollars.

L’Algérie sort quasiment en faillite de cet épisode économique dramatique. Les évènements d’Octobre 1988 éclatent et plus tar… la décennie noire des années 90. C’est dire que ces mécanismes de l’économie planifiée ne rappellent pas de bons souvenirs à l’Algérie car elles ont prouvé leur totalement inefficacité par le passé.

En vérité, l’Algérie est en train de vivre le même scénario que celui de 1986 et, malheureusement, le régime algérien est en train de reproduire les mêmes erreurs. Et pour cause, le régime algérien croit savoir que la meilleure solution pour protéger les réserves en devises du pays est d’imposer une mode de gouvernance administrée aux importations. Or, il s’agit d’une erreur fatale qui a prouvé son échec à la fin des années 80. Explications.

L’Algérie a besoin de ses importations pour survivre et répondre à ses besoins vitaux. Et le gouvernement veut réduire la facture des importations pour économiser son argent. Soit. Mais il est impossible de contrôler chaque dossier d’opération d’importation à moins d’interdire tout court les importations aux acteurs économiques. Chose impensable dans le monde de 2020. En plus, l’Algérie est-elle un pays qui importe beaucoup ? Non, c’est plutôt un pays qui ne produit quasiment rien. Et c’est pour cette raison qu’il a besoin d’importer. Regardons de près la structure de nos importations.

Durant les deux premiers mois de cette année 2020, les biens alimentaires représentent plus de 21 % des importations de l’Algérie. Les demi-produits près de 20 %. Et les biens d’équipements industriels plus de 31 %. Les biens de consommation qui sont non-alimentaires ne représentant pas plus de 15,24 %. L’Algérie ne pourra, malheureusement, pas réduire drastiquement ces importations. Pourquoi ? Parce que dans les biens alimentaires, nous retrouvons le blé, le lait et le sucre ainsi que d’autres produits alimentaires de base que l’Algérie ne produit pas. Si le gouvernement prive les Algériens de ces produits, il y aura une famine dans le pays !

Concernant les demi-produits, il s’agit  des tubes, tuyaux et profilés creux, sans soudure, en fer ou en acier, les polymères de l’éthylène, sous formes primaires, les produits laminés plats à chaud, en fer ou en aciers non alliés et les polyacétals et autres polyéthers et résines époxydes. Si l’Algérie ne fabrique pas ses produits sur son propre territoire, comment elle peut annuler leurs importations ?

Le poste le plus élevé des importations algériens, ce sont les biens d’équipements industriels. Il s’agit de turboréacteurs, turbopropulseurs et autres turbines à gaz, de postes téléphoniques d’usagers, des paquebots et bateaux pour le transport de personnes ou de marchandises et de véhicules automobiles pour le transport de marchandises, etc. Ces équipements ne sont pas produits en Algérie et ils sont incontournables dans le fonctionnement d’une économie ou d’un pays tout court. Comment l’Algérie pourra-t-elle s’en passer ? En d’autres termes, l’Algérie n’importe pas beaucoup de produits superflus ces dernières années. Et comme de nombreux pays à travers le monde, elle a besoin d’importer de l’étranger pour pouvoir fonctionner au quotidien.

Cependant, comme elle ne produit rien d’intéressant pour pouvoir exporter, sa balance commerciale est régulièrement déficitaire. C’est pour cette raison qu’elle perd de l’argent, beaucoup d’argent. Cette année 2020, en deux mois seulement, l’Algérie a encaissé plus de 1,23 milliards de dollars de déficit.  Le problème est donc lié à l’absence d’une production nationale capable d’exporter pour rééquilibrer la balance commerciale. Interdire l’importation ne mène pas forcément vers le lancement de la production nationale. Il s’agit de deux processus totalement divergents. Mais le régime algérien, pris de panique face à l’ampleur de la crise financière provoquée par la pandémie de la COVID-19, est en train de répéter les mêmes erreurs des années 80. Attention aux dégâts irréparables !

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