Vous êtes des inconscients car votre geste extraordinaire, il va dans le mur si vous ne vous reprenez pas.
Des semaines et des semaines de manifestations, c’est fantastique, nous sommes épatés et reconnaissants au plus haut point. Mais maintenant, je vois arriver la leçon de l’histoire. Manifestement, elle vous échappe, dans votre griserie (que je comprends).
Se liguer contre une dictature, la mettre à genoux est une chose miraculeuse que vous avez réussi. Mais la masse révoltée ne fait pas un projet d’avenir.
Que pensez-vous, quels sont vos positions sur les questions lourdes : droit de la femme, laïcité, place de l’armée, liberté de la presse, et des orientations de toutes sortes ? Vous ne pouvez éternellement scander « liberté, liberté ! », c’est trop vague, il faut maintenant se
confronter aux questions qui fâchent.
D’une part, ne vous faites aucune illusion sur le nombre, la majorité des marcheurs a été pendant des décennies, silencieuse, dans le meilleur des cas, compromise au plus probable des cas. Si vous ne vous confrontez pas immédiatement, votre seconde république va exploser comme un ballon de baudruche à la moindre étincelle.
J’ai vu des milliers de foulards dans vos rangs. Quelle sera leur position lorsque vous leur expliquerez que la laïcité n’est pas l’ennemi de la religion ? Bon courage !
Bon sang, arrêtez maintenant et combattez ce régime avec un projet politique.
Pour le moment, je n’entends que le mot « liberté, dégagez ! ». Si vous saviez combien il a mené au pire dans l’histoire.
Et lorsqu’un mouvement créée de la crainte, de l’incertitude, auprès d’une population habituée à un demi- siècle de stabilité de la dictature, vers qui se retourne -t-elle ?
Car eux, ils sont la stabilité incarnée, de toute évidence. Et, pour le moment, vous n’avez pas fait bouger un seul poil de la moustache de Salah.
Bon sang, débattez, rédigez des résolutions, chamaillez-vous mais pondez quelque chose qui ne soit pas aussi rose que le ferait croire votre extraordinaire jeunesse.
Ce sont les Lumières qui créent les révolutions, la colère est seulement leur aboutissement.
Il vous manque un chaînon. Le plus important même s’il n’est pas aussi éclatant que les danses dans les rues.
Par SID LAKHDAR Boumédiene, Enseignant