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jeudi, avril 25, 2024

Contribution.La femme divorcée au Maroc : Une posture infligée !

Le présent article donne une revue générale sur la condition de la femme divorcée au Maroc. Sujet exposé pour certaines défaillances sociales. C’est une occasion pour interroger les causes comme étant le ferment principal de la destruction du lien conjugal et de la déchéance de la femme « divorcée ».

 

Contrairement à l’ancien statut familial au Maroc qui fait du mariage un contrat sacré . Ce statut a connu une véritable transmutation, voire une détérioration. Les conjoints sont influencés par un certain opportunisme. Cette incohérence relationnelle contribue au divorce. Le Maroc a connu une hausse augmentation des cas du divorce, malgré l’effort fourni par le Royaume.

La femme divorcée, sujet de notre étude est impactée par le divorce sur le plan psychologique et socio – économique. Notre étude se focalisera sur la situation de la femme au Maroc. Quelles sont les contraintes qu’elle subisse? Quel est l’impact de la nouvelle réforme de code familial marocain sur la vie de la femme divorcée ? Le divorce pour la femme marocaine est-il un gain ou une perte ? Quelles sont les solutions à prévoir pour faire face à cette réalité tragique ?

Pour répondre à cette problématique, nous nous basons sur l’enquête du Haut Commissariat au Plan Marocain (HCP) de l’année 2019 ensuite nous traitons l’impact du divorce sur la vie de la femme marocaine selon trois volets : social, économique et psychologique.

Dans le monde urbain 13,3% en 2000, 12,7% en 2010 et 14,4 en 2020 ;
Dans le monde rural nous avons 4,6 en 2000, 4,5 en 2010 et 5,4 en 2020.
Cette augmentation des cas de femmes divorcées touche à la fois le monde urbain et le monde rural. Les statistiques du HCP prouvent une évolution au niveau de cas de divorce pour les femmes âgées de 45 à 49 ans : Dans le milieu rural, nous trouvons le pourcentage de 74,5 et 77,6 au milieu urbain (2014).

Tandis que les cas de divorce selon les hommes connait une régression : 25,5 % au milieu rural 22,4% au milieu urbain (2014). Comment pouvons-nous expliquer ce constat ?

Nous pouvons analyser ces statistiques du divorce selon trois perspectives :
La dimension sociale : L’impact migratoire de la zone rurale vers la zone urbaine a provoqué une perturbation démographique sachant que le mode de vie rural diffère quasiment du mode urbain.

Ce qui crée en effet une instabilité au niveau de ces deux pôles. Nous pouvons expliquer ce phénomène de divorce d’une part : selon ce fonctionnement conservateur et archaïque du tissu social, et d’autre part selon cette tendance intellectuelle que subit la ruralité et qui contribue à une mutation relationnelle voire une compréhension erronée du concept de liberté. Chacun des conjoints conçoit à sa manière la vie conjugale et exige un espace de liberté.

Cette densité paradoxale entre l’espérance individuelle et l’exigence collective entraîne une frustration sociale , il s’agit donc d’une schizophrénie sexuelle et conjugale : « en effet, les deux sexes vivent actuellement côte à côte dans une ville hypo-moderne sans être ni historiquement, ni psychologiquement préparés à une mixité sans voile et sans frontières[…] L’ensemble des lieux de la ville deviennent des endroits propices à la drague et à la conquête sexuelle » La ville devient le rêve excitant et séduisant pour ceux et celles qui appartiennent au milieu rural. Ce phénomène déclenche une souche sociale hypermoderne et idéologiquement islamiste. Ce paradoxe reflète le conflit social vécu sous l’influence de la deuxième dimension que nous allons étaler par la suite.

La dimension religieuse :

La suprématie de la religion dans la gestion de la société au détriment de l’émergence d’une entité nationale moderne : « l’évolution de la sexualité marocaine se caractérise par la transgression des références socioreligieuses traditionnelles et par l’inaccessibilité (de nature politique) à l’éthique de la modernité sexuelle ». Ce qui engendre une crise chaotique conjugale et sexuelle.

En somme, la dimension islamico-politique a souvent tendance de maintenir le peuple dans une sphère de dépendance religieuse : « tout rapport sexuel entre deux Marocains célibataires de sexe opposé est considéré comme une fornication (zina) par la Sharia (Loi Divine) et comme un délit de débauche par le code pénal marocain (article 490)».

Cette évolution paradoxale contribue à la parution des cas de divorces dans les milieux ruraux et urbains selon deux causes majeures : un islam formel et une pratique de modernité vue en contre-plongée.

En 2004, la loi de code familial au Maroc a connu des modifications suite à l’avènement de la nouvelle Réforme qui a pour visée de protéger les droits de chacun des conjoints et garantir surtout les droits des enfants. Or, cette nouvelle Réforme autorise aussi à la femme de divorcer pour raison de discorde (Chiqaq).

L’incompréhension de la loi ainsi que l’amalgame entre les droits et les devoirs de chacun des partenaires dans l’institution conjugale peuvent être les facteurs de cette augmentation au niveau des cas de divorce.

La femme est impactée par ce phénomène sur les trois plans : psychologique, économique et sociale, et surtout lorsqu’il s’agit de celle qui ne possède pas de travail pour couvrir indépendamment ses besoins de base. C’est l’une des causes qui va augmenter le risque d’une crise financière chez elle et surtout avec la présence des enfants même si bénéficierait de la pension alimentaire .

C’est une contrainte majeure que la femme divorcée doit surmonter ainsi que d’autres obstacles affrontés au quotidien que nous abordons par la suite.

La femme divorcée est souvent marginalisée, voire socialement châtiée après le divorce : « l’effet du divorce sur les deux genres a été quantifié par Peterson (1996), en montrant une baisse du niveau de vie de 27% chez les femmes et une augmentation de 10% chez les hommes » .

Ce décalage concernant les vies des deux genres revient au statut professionnel et social de l’homme comme étant le père de la famille. Son positionnement lui permet de sauvegarder son côté professionnel et de l’améliorer, tandis que la femme dans la majorité des cas s’occupe des enfants et des tâches ménagères, malgré l’évolution que connait la femme au niveau professionnel. Elle reste souvent soumise à la tutelle de son conjoint, de sa famille et de la société.

Pas loin de ce statut marginalisé, il s’avère important de signaler la souffrance psychique de la femme divorcée vu le rejet à la fois familial et social.

Ce trauma revient au regard dépréciatif que l’on porte sur elle. Elle est souvent considérée comme étant une femme ratée. Cette image est relativement liée aux clichés qui asphyxiant sa dignité entant que femme. Le mot « divorcée » (motalaqa) est un lourd rocher qu’elle porte comme une damnation sociale à perpétuité.

La femme divorcée selon le cliché social est considérée comme étant une proie facile à manipuler puisqu’elle n’est plus vierge. Son honneur est souvent lié au « sang de l’hymen ».

Donc elle est dépourvue de sa dignité suite au divorce et à la perte de virginité. Cet imaginaire social humilie la femme divorcée malgré son militantisme et son progrès dans différents domaines : « Est- il possible que l’honneur soit une qualité anatomique avec laquelle une personne est née ou non ? Et si l’hymen est la preuve de l’honneur d’une fille, qu’elle est la preuve de l’honneur d’un homme ? » .

Le divorce pour la femme marocaine comme toutes les femmes qui vivent dans le monde Arabe reste certainement la décision difficile à prendre et le dessein absurde à gérer. C’est un combat quotidien qui s’impose pour la femme sur différentes échelles.
Pouvons-nous considérer le divorce comme étant un gain ?

Un lien conjugal basé sur des fondements quasiment fragiles ou sur des piliers qui font de l’un des conjoints un opportuniste loin de la visée sacrée du mariage. Dans ce cas, le divorce peut devenir un gain pour la femme souffrant de la violence conjugale.

Il est considéré comme une seconde chance pour elle pour mieux se positionner tout en militant pour une vie indépendante loin de l’humiliation ou de la soumission au nom de l’engagement ou plutôt le langage qui ment.

Finalement, le divorce ne peut pas être l’objectif du mariage mais il peut advenir une rectification d’un mauvais choix ou d’une mauvaise planification. La hausse concernant le pourcentage des femmes divorcées au Maroc a suscité notre curiosité. C’est un appel à interroger la condition féminine. C’est un débat qui s’impose pour mettre en place des nouvelles approches afin de lutter non pas radicalement mais convenablement contre ce phénomène. C’est un appel à l’engagement et à la collaboration afin de sauver l’honneur du foyer conjugal et de donner par la suite un statut social loin de la « pseudo-société » civile qui se trouve ruinée par ses propres chiasmes concernant les normes à la fois sexuelles et conjugales.

Quelle « citoyenneté » sexuelle et « conjugale » espérons- nous au Maroc d’aujourd’hui ?

Quelle doctrine politique pouvons- nous adopter face à ce délire sexuellement islamisé ?

Aurons- nous une approche politique neutre qui orienterait la sexualité citadine et conjugale ?

Ces questions doivent nous mettre face à la représentation de la vie conjugale qui exige le partage sexuel foisonnant d’interdits et de multiples contradictions. Il faut être en mesure de responsabilité afin d’arrêter l’hémorragie du divorce qui signale le chaos de la femme en faisant d’elle une conscience mutilée.

Par Chaïmae BLILETE, Enseignante et doctorante. Université Sidi Mohammed Ben Abdellah.
Faculté polydisciplinaire Taza. Maroc. Laboratoire de recherche : Langue, littérature et traduction.

Contact : [email protected]

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