L’affaire de la raffinerie d’Augsta est en train de devenir une véritable affaire d’Etat en Algérie. Jusqu’à aujourd’hui, plus de 55 dirigeants de Sonatrach, la compagnie nationale des hydrocarbures, et du ministère de l’Energie ont été auditionnés par les juges du tribunal de Bir Mourad Rais, l’instance judiciaire officiellement en charge de ce gros dossiers.
Ces auditions ont commencé depuis presque deux mois dés que les inspections de l’Inspection Générale des Finances (IGF), organe de contrôle du ministère des Finances, aient remis leur rapport définitif sur l’acquisition de cette raffinerie italienne en décembre 2018 par la Sonatrach. Les inspecteurs de l’IGF ont accompli une mission d’inspection qui a duré plusieurs mois en 2020 au sein de la direction générale de Sonatrach. Plusieurs dossiers et documents ont été épluchés, expertisés et des cadres dirigeants interrogés.
Les observations de l’IGF ont été ensuite transférées au parquet du tribunal de Bir Mourad Rais qui a relancé les auditions et ses investigations dans ce dossier fortement « politisé » par le pouvoir en place notamment le Premier-ministre Abdelaziz Djerad qui veulent influencer les conclusions des magistrats en désignant préalablement les « coupables ».
Pour rappel, le dossier de la raffinerie italienne Augusta rachetée en 2018 par la compagnie nationale des hydrocarbures Sonatrach suscite une énorme polémique en raison des pertes financières actuelles provoquées par la très mauvaise gestion de cette raffinerie stratégique au coeur de la Méditerranée. Malheureusement, personne en Algérie ne veut dire la vérité sur les dessous de ce dossier ni expliquer ses véritables enjeux économiques. Au contraire, deux clans actuellement au pouvoir à Sonatrach tentent absolument de se neutraliser en utilisant ce dossier brûlant sur lequel personne n’a voulu dire la vérité aux algériens.
D’abord, rappelons les faits. En décembre 2018, la raffinerie italienne Augusta devient officiellement propriété de la Sonatrach. La filiale raffinage italienne de Sonatrach, dénommée Sonatrach Raffineria Italiana Srl, est devenue propriétaire de ces actifs à partir du samedi 1er décembre 2018. Le groupe national des hydrocarbures, Sonatrach, et ESSO Italiana (filiale du groupe américain ExxonMobil) ont clôturé, samedi à Milan (Italie), la transaction portant sur la raffinerie d’Augusta. La transaction a coûté exactement près de 720 millions de dollars.
Mais, il faut être honnête et explique que ce prix ne comprend pas seulement la raffinerie d’Augusta. La transaction inclut 3 terminaux pétroliers et des pipelines … et une raffinerie qui peut produire jusqu’à 10Millions de tonnes de produits raffinés par an. Grâce à cette acquisition, Sonatrach est devenue également propriétaire de trois terminaux pétroliers situés à Augusta, Naples et Palerme. Il s’agit de trois infrastructures hyper-stratégiques qui permettent à Sonatrach de jouir d’un énorme atout pour commercialiser ses produits en Europe. Ces trois terminaux valent de l’or puisqu’ils pourront toujours être rentabilisés grâce à ses multiples prestations.
Mais malgré ses atouts, Sonatrach perd chaque mois plus de 25 millions de dollars à cause de la mauvaise gestion de la raffinerie italienne d’Augusta. Et Algérie Part a été le premier média à avoir révélé cette information à la fin du mois de septembre 2019.
Lors de notre révélations, nous avions expliqué clairement qu’à travers cette acquisition, le système de raffinage de SONATRACH spa devait être renforcé d’une capacité de raffinage supplémentaire de 10 millions de tonnes de traitement par an et d’une capacité de stockage équivalent à une autonomie supplémentaire de 3 jours de consommation en Gas oil et de 3 jours de consommation en essence.
Malheureusement, il s’avère que ces objectifs n’ont pas été atteints car l’équipe mise en place en ce moment par l’actuelle direction générale de Sonatrach peine à gérer cette raffinerie italienne en se conformant aux normes du management exigé par l’environnement européen. Le premier contrat négocié avec Exxon Mobil s’est avéré finalement une très mauvaise affaire. Et pour cause, Exxon achète à un très bon prix toute la production des lubrifiants de cette raffinerie italienne ainsi qu’une bonne partie de la production de bitume et du gasoil conforme aux standards européen. Mais ces trois produits sont fabriqués à partir du pétrole saoudien ou irakien. Le pétrole algérien n’est guère utilisé par la raffinerie d’Augsuta.
Le niveau de rentabilité de cette raffinerie reste donc très faible pour ne pas dire quasi-inexistant puisque Sonatrach dépense beaucoup plus pour assumer les charges et n’a déployé aucune stratégie pour rentabiliser cet investissement de… 580 millions d’euros. Sonatrach a consenti, en plus de ce montant, à un investissement de près de 100 millions d’euros pour relancer l’activité industrielle de la raffinerie Augusta.