Ce qu’il faut faire pour savoir si un feu de forêt est réellement d’origine criminelle

Ces dernières 24 heures, les pires spéculations et rumeurs ont circulé sur les origines d’une dizaine d’incendie ayant ravagé des surfaces forestières dans près de 10 wilayas à travers le nord de l’Algérie. Certains Algériens sont persuadés qu’il s’agit d’incendies criminels provoqués par des cercles occultes pour attenter à la sécurité nationale. Or, cette théorie farfelue ne s’appuie pour le moment sur aucun élément palpable car pour savoir si un feu de forêt est d’origine criminelle, il faut recourir à des techniques scientifiques qui demandent de nombreuses vérifications et une enquête approfondie qui va durer des semaines. Explications. 

D’abord, un élément important qu’il faut connaître : le vent et la sécheresse peuvent facilement expliquer comment les incendies se propagent aussi vite à travers de nombreuses wilayas. Ce sont des éléments naturels qui aggravent les incendies partout dans le monde. Maintenant, reste à savoir comment ils ont démarré. Leur origine est-elle accidentelle ? Criminelle ? Pour répondre à cette question, il faut commencer une enquête qui doit être menée par des criminologues compétents et spécialistes.

Ces enquêteurs doivent, d’abord, commencer par localiser le point de départ de l’incendie qui se trouve dans la plupart des cas sur une des bordures du feu. Au commencement, l’incendie a la particularité de ne pas être trop intense. Puis il se propage dans le sens du vent ou de la pente. C’est un constat scientifique démontré à maintes reprises. Ensuite, les enquêteurs doivent identifier ce qu’ils appellent dans leur jargon « le V de propagation », c’est-à-dire la trajectoire à travers laquelle le feu se propage, plus il s’élargit.

Une fois le point de départ du feu retrouvé, les enquêteurs essaient de déterminer son origine. Sur place, ils cherchent notamment à savoir si des habitants pratiquent l’écobuage. L’expérience a démontré que des habitants des localités environnantes font un petit feu pour se débarrasser de brindilles ou de branches, et la situation leur échappe. Avec le vent, ils n’arrivent pas à contenir le départ de l’incendie.

Il faut ensuite confirmer si  le feu n’a été provoqué par des promeneurs qui ont fait un barbecue dans les bois, et qui l’ont mal éteint ou pas assez bien recouvert les braises de terre ou de sable. L’incendie peut aussi être causé par un mégot de cigarette mal éteint. Dans les pays méditerranées qui subissent régulièrement les feux de foret,  les enquêteurs constatent que le feu est parti d’un fossé, près d’une route. Là, ils retrouvent un ou plusieurs mégots, probablement jetés par des automobilistes. Ils en déduisent qu’ils sont à l’origine du sinistre. Les enquêteurs doivent vérifier également que l’incendie n’ait pas été causé par un arbre qui serait tombé sur une ligne électrique ou par la foudre.

C’est uniquement à la fin de toutes ces recherches que les enquêteurs commencent à s’intéresser à la piste criminelle. A ce moment-là, il faudra réaliser des investigations comme lorsqu’il s’agit de résoudre les énigmes des homicides. Il faut identifier qui était présent sur les lieux lorsque l’incendie s’est déclaré et interroger des témoins. Retrouver les véhicules qui ont été stationnés près des bois, les gens qui se promenaient quelques heures avant l’enclenchement des incendies.

Il faut aussi étudier des indices comme des « traces de pneus dans l’herbe ». C’est comme ça qu’ils peuvent ainsi remonter jusqu’au pyromane. Cependant, plusieurs études et enquêtes internationales ont démontré que l’origine volontaire, à savoir criminelle, est rare dans le monde. La majorité des incendies est certes d’origine humaine, mais accidentelle. Donc, il faudra vraiment investiguer très sérieusement pour prouver ces « complots » que dénoncent les Algériens sur les réseaux sociaux. Et ces enquêtes peuvent décevoir de nombreux « spéculateurs » avec leur logique scientifique implacable.