Après le succès de son dernier court-métrage, la réalisatrice algérienne Sofia Djama, sélectionnée à la Mostra de Venise 2017, en compétition officielle dans la catégorie Orrizonti, revient avec « Les Bienheureux ». Un premier long métrage qui croise le regard de deux femmes, séparées par deux générations, dans l’Algérie de l’après-guerre civile. Un film salué par plusieurs récompenses. Rencontre avec une jeune réalisatrice prometteuse.
Le jour de la première mondiale à Venise, Sofia Djama, « se tenait le ventre ». En lice dans la section Orizzonti (Horizons), qui récompense « les nouvelles tendances esthétiques et expressives », la réalisatrice algérienne ne s’attendait pas à croiser toutes ces foules de spectateurs dans l’antre de la Sala Darsena où son premier long métrage a été projeté le 6 septembre 2017. Pas moins de sept cents personnes venaient découvrir « Les Bienheureux » (The Blessed en anglais).
Une production franco-belge « à l’ ADN algérien » avec Nadia Kaci et Sami Bouajila accueilli avec « un bel enthousiasme » nous confie-t-elle, au lendemain de cette projection, à la 74 ème édition du festival de la Mostra de Venise qui a débuté le 30 août et s’est achèvé le 9 septembre soir. Avec, pour le film de Sofia Djama, encore un prix, celui de la meilleure actrice à sa jeune interprète Lyna Khoudri.
Avant même le palmarès officiel, la cinéaste avait remporté deux récompenses dans le cadre de ce festival international : le Brian Award récompense un film qui défend les valeurs de respect des droits humains, de la démocratie, du pluralisme, de la liberté de penser, sans les distinctions habituelles fondées sur le genre ou l’orientation sexuelle ; et le prix Lina Mangiacapre, du nom de la figure radicale du féminisme napolitain et italien, destiné à une oeuvre qui change les représentations, et les images des femmes au cinéma. Et cela alors même que, une fois encore, les femmes sélectionnées à la Mostra 2017 se comptent sur les doigts de la main. Une réalisatrice sur 21 hommes concourait pour le Lion d’or et quatre femmes (dont Sofia Djama) sur 19, dans la catégorie Orizzonti.
Dans Les Bienheureux , la jeune femme de 38 ans, plante sa caméra à Alger, quelques années après la guerre civile qui a vu s’affronter l’armée nationale et divers groupes islamistes causant, en une décennie, plus de 100 000 morts.
Amal (Nadia Kaci) et Samir (Sami Bouajila), forment un couple de bourgeois désabusé. Un soir, il décide de sortir pour fêter leurs 20 ans de mariage. Mais cet anniversaire marque aussi celui des émeutes de 1988 qui ont conduit au multipartisme en Algérie. Alors qu’Amal, vingt ans plus tard, évoque ses illusions perdues, son mari, lui, un gynécologue qui pratique des avortements clandestins, se complaît dans l’immobilisme, que Sami Bouajila, interprète avec une générosité constante. Comme on peut le voir dans l’extrait ci-dessous.