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jeudi, avril 25, 2024

Après Amira Bouraoui, un autre opposant algérien bloqué en Tunisie demande à la France de l’accueillir et craint d’être enlevé « par les services algériens »

L’opposant algérien Zakaria Hannache, l’un des visages les plus emblématiques du Hirak de 2019, a demandé lui-aussi d’être accueilli en France pour bénéficier du statut de réfugié politique alors qu’il se retrouve depuis plusieurs mois bloqué sur le territoire tunisien craignant d’être « enlevé par les services secrets algériens », a-t-il confié à un envoyé spécial dépêché à Tunis par le prestigieux quotidien français Le Monde.

Depuis le 14 novembre 2022, Zaki Hannache, connu en Algérie pour avoir été l’un des plus ardents défenseurs de la cause des détenus politiques algériens grâce à son minutieux travail de collectes d’informations et de données sur les détentions arbitraires et violences policières auprès des familles et avocats des activistes et militants du Hirak injustement incarcérés par les autorités algériennes, se cache à Tunis sous la protection du l Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) qui lui a accordé le statut de réfugié politique. Mais en raison d’emprise de plus en plus impressionnante exercée par le régime algérien sur l’Etat tunisien, l’opposant algérien craint le pire et redoute une expulsion brutale vers l’Algérie qui le conduirait tout droit vers un long séjour en prison. Agé de 35 ans, cet opposant algérien a témoigné dans les colonnes du quotidien Le Monde au sujet toutes les souffrances qu’il endure tout seul en Tunisie où sa sécurité est grandement menacée en raison des ramifications tentaculaires des services secrets algériens dans ce petit pays voisin totalement dépendant depuis 2021 de l’aide et l’assistance du pouvoir algérien.

« Il y a quelques jours encore, il a changé de planque pour la onzième fois », révèle au sujet de l’exil tunisien de Zaki Hannache l’envoyé spécial du quotidien Le Monde qui est parti à la rencontre de l’opposant algérien qui vit en permanence avec le risque d’être « livré » aux services de sécurité en Algérie.

« Depuis trois mois, il craint de se faire « enlever par les services algériens » et d’être une nouvelle fois jeté en prison. « Il vit avec cette épée de Damoclès sur la tête », atteste Ahmed Messedi, son avocat tunisien. Enlever ? A Tunis ? Est-ce probable ? « Il y a un précédent », rappelle « Zaki » : il pense à Slimane Bouhafs, 55 ans, un sympathisant du Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), désormais classé organisation terroriste par le régime algérien », précise à ce propos le reportage du quotidien Le Monde réalisé par Mustapha Kessous, journaliste et écrivain français d’origine algérienne, qui avait suscité le courroux du régime algérien en 2020 à travers son documentaire sur le Hirak « Algérie, mon amour », documentaire diffusé sur France 5 le 26 mai 2020. Un documentaire qui avait à l’époque provoqué une crise diplomatique entre Alger et Paris en raison des protestations politiques officiellement formulées par les autorités algériennes contre son contenu politique favorable au Hirak.

Le jeune Zaki Hannache craint de subir le même sort que l’ancien réfugié politique algérien en Tunisie Slimane Bouhafs. « Ce réfugié politique, reconnu comme tel par la représentation tunisienne du HCR, converti au christianisme, a été kidnappé le 25 août 2021 dans son petit appartement situé au cœur de Tunis par des inconnus qui l’ont rapatrié de force en Algérie. M. Bouhafs est aujourd’hui en détention à Koléa, poursuivi, selon sa famille, pour dix chefs d’inculpation. Un autre militant du MAK – avec qui Le Monde a pu s’entretenir – prétend avoir failli être enlevé le 25 janvier 2022 dans une rue de Tunis par des Algériens. « Le risque d’être pris est là », martèle Zakaria Hannache », souligne à juste titre à ce sujet le reportage du quotidien le Monde qui décrit soigneusement les angoisses quotidiennes de Zaki et leur impact préjudiciable sur son état de santé.

« Sa peur est si intense que l’autre nuit, il a passé des heures le dos contre la porte d’entrée. « Je croyais que des policiers venaient m’arrêter. En fait, la porte claquait à cause du vent, raconte-t-il en rejouant la scène. C’est alors que je me suis dit : “Arrête, calme-toi. Si tu paniques, tu vas faire une bêtise.” » Le « stress » perpétuel qu’il ressent l’a même mené, il y a quelques jours, aux urgences : le mal de ventre était devenu insupportable », nous apprend encore le récit du quotidien Le Monde.

Après l’affaire Amira Bouraoui, l’opposante algérienne qui a pu bénéficier le 6 février dernier de la protection consulaire française grâce à son passeport français pour éviter une procédure d’extradition décidée par la Tunisie à la demande express des autorités algériennes, Zaki Hannche craint de faire les frais du puissant désir de vengeance du pouvoir algérien.

« « Je suis le prochain sur la liste », pense Zakaria Hannache, qui croit que cette histoire a mis la focale sur lui. « Le pouvoir a manqué Amira Bouraoui, il voudra essuyer son couteau sur lui, estime un ami qui réside à Tunis. Notre plus grande crainte, c’est que ce pouvoir cherche à se venger et qu’il lance une chasse à l’homme. » Pour lui, la Tunisie est perçue comme « une wilaya [préfecture] algérienne » où « les services de ce pays peuvent faire ce qu’ils veulent » », témoigne-t-il dans les colonnes du quotidien Le Monde.

Face à ce danger permanent, des députés français ont été saisis par des ONG internationales afin de leur demander d’intervenir auprès du gouvernement français pour que cet opposant algérien puisse trouver un refuge garantissant sa sécurité sur le territoire français. Pour l’heure, cette demande est restée sans réponse, mais les pressions des ONG internationales se poursuivent pour persuader l’Etat français de sauver ce jeune opposant et militant algérien des Droits de l’Homme d’une fin dramatique derrière les barreaux d’une prison algérienne.

Il est à rappeler que Zaki Hannache a été arrêté le 18 février 2022. « La police est venue perquisitionner mon appartement, elle a emporté mon prix Ali-Boudoukha décerné par la radio web M du média en ligne Maghreb Emergent et l’enveloppe avec les 100 000 dinars. Rien d’autre, même pas mon ordinateur », décrit-il. Il est placé en détention pour « apologie de faits terroristes », « diffusion de fausses publications », et pour avoir reçu « des fonds ou tout avantage, par quelque moyen que ce soit (…) pour accomplir ou inciter à des actes susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’Etat, (…) à la sécurité et à l’ordre public » », témoigne-t-il à l’envoyé spécial du quotidien Le Monde à Tunis.

Après avoir été placé en détention provisoire pendant pas moins de trente-cinq jours dont dix-huit en grève de la faim pour dire qu’il n’est pas un « terroriste », Zaki Hannache a fini par être relâché par les autorités algériennes fin mars 2022, mais les charges ne sont pas abandonnées à son encontre. Diminué, démoralisé, il perd son emploi et part le 14 août 2022 se reposer à Tunis pour recevoir un soutien psychologique et continuer au calme son travail de documentation sur la répression en Algérie pendant le Hirak. Depuis le début novembre 2022, le régime algérien est revenu à la charge et cherche par tous les moyens à l’incarcérer. En Tunisie, les services de sécurité chargés de la lutte contre le « terrorisme » ont tenté à deux reprises de procéder à son arrestation. En vain car grâce à ses soutiens tunisiens, il a pu s’échapper et trouver refuge dans un endroit « provisoirement » sécurisé.

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