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mardi, avril 16, 2024

Analyse. L’Amérique peut-elle éviter une crise électorale ?

De mémoire d’homme, jamais des élections présidentielles américaines ne se sont déroulées comme celles de 2020. Certains débats précédents ont été houleux, voire décrits en termes existentiels. Mais jamais au cours de ces éditions précédentes les Américains n’ont été amenés à considérer de façon réaliste que le candidat sortant en vienne à rejeter les résultats. De même, les clivages partisans ont rarement constitué un risque de dégénérer en un conflit armé.

Nous, membres de International Crisis Group (ICG), disposons d’un mandat pour éviter et atténuer les conflits violents éventuels partout dans le monde. Si nos travaux au cours du dernier quart de siècle nous ont permis de visiter le monde entier, ce n’est que depuis cette année qu’ils nous ont amenés à nous concentrer directement sur les États-Unis.

Dans bien des pays, les élections comportent souvent un risque d’effusion de sang, souvent à cause de facteurs comme une polarisation politique extrême, des enjeux considérables où le vainqueur rafle toute la mise, une prolifération d’armes entre les mains de groupes armés aux motivations politiques, sans oublier des processus électoraux entachés d’irrégularités qui amènent de nombreux citoyens à douter des résultats. Dans ces conditions, les élections peuvent être particulièrement dangereuses dans le cas où chaque candidat dispose d’une base considérable et dévouée à sa cause.

Ces facteurs de risque, chacun à son niveau, sont tous présents aux États-Unis de nos jours. Mais si l’un d’entre eux se détache de la mêlée, c’est bien le refus du candidat sortant de s’engager à respecter la volonté des électeurs. Le président américain Donald Trump maintient avec insistance qu’il ne peut perdre les élections que dans le cas où elles seraient truquées. En outre, il n’a toujours pas demandé à ses électeurs d’éviter de recourir à la violence.

Si le monde devait examiner les États-Unis de la façon dont les États-Unis examinent souvent les démocraties plus jeunes et moins solides du monde entier, il verrait un pays toujours aux prises avec les effets durables de l’esclavage, de la guerre civile, du lynchage, de la ségrégation, des conflits ouvriers et du nettoyage ethnique exercé sur les peuples autochtones. Il observerait un pays rempli d’armes à feu, où le nombre d’homicides par armes à feu chaque année surpasse celui de tous les autres pays riches. Il découvrirait un mouvement profondément ancré de suprématie blanche, que les propres experts du gouvernement mentionnent comme un phénomène de plus en plus virulent.

Le reste du monde désapprouverait également la discrimination raciale, les inégalités économiques et la violence policière qui sont autant de sources de tension chroniques aux États-Unis, qui causent souvent des manifestations et parfois, une instabilité sociale. Il remarquerait alors que la plupart des villes américaines ont des forces de police fortement militarisées, qui utilisent des armes et des tactiques similaires à celles des soldats américains dans les zones de guerre et les interventions à l’étranger. Il verrait que les groupes politiques dominants sont à couteaux tirés sur les questions essentielles de l’identité nationale, où de nombreux Démocrates mettent en scène l’élection comme un moment décisif pour la démocratie, et où de nombreux Républicains considèrent Trump comme le dernier rempart contre les évolutions culturelles et démographiques de l’identité de la nation.

Bref, les observateurs externes voient en l’Amérique d’aujourd’hui un grand nombre de traits qu’elle a pu signaler aux autres par le passé. Par ailleurs, les élections de 2020 se déroulent sous la coupe d’une pandémie hors de contrôle. Une augmentation massive du vote par correspondance va probablement créer des opportunités pour Trump de contester les résultats du scrutin. Étant donné les enjeux perçus, on peut s’attendre à ce que les deux camps en présence se disputent amèrement sur les résultats. Et étant donné le caractère alambiqué des élections américaines, un résultat disputé ou peu concluant pourrait conduire à des mois d’indécision crispée.

Un autre aspect tout aussi inquiétant est celui des menaces de rassemblement de la part de cellules armées d’extrême-droite, comme les treize hommes récemment arrêtés pour avoir organisé un enlèvement sur la personne du gouverneur Démocrate du Michigan Gretchen Whitmer. Ces groupes vont peut-être tenter d’intimider les électeurs dans les bureaux de vote et pourraient bien créer du désordre dans le cas de résultats contestés. S’ils descendent dans les rues, ils vont très certainement se trouver nez à nez avec des activistes de gauche : des éléments violents en marge de ces mouvements pourraient alors se fondre dans la masse et faire augmenter le risque d’effusion de sang. Un incident de nature à perturber le vote ou le dépouillement dans un État clé pourrait rapidement dégénérer, en particulier si Trump se déclare vainqueur avant l’issue de la procédure régulière et s’il appelle ses partisans à descendre dans les rues.

Évidemment, les États-Unis ont de bonnes chances de s’en sortir sans une flambée de violence. Ce pays a toujours des avantages dont d’autres pays étudiés par ICG sont toujours dépourvus, notamment une armée apolitique, une presse dynamique et une société civile bien constituée. Les dirigeants des deux partis, (notamment des Républicains de premier plan) ont déjà déclaré que leur candidat pouvait perdre, ce qui aidera à faire taire les accusations démagogiques de vote truqué pouvant se produire après coup.

Néanmoins, la situation justifie de prendre des précautions extraordinaires. Les représentants d’État et locaux, ainsi que les groupes concernés de la société civile, doivent se familiariser avec les outils juridiques dont ils disposent et se préparer à y avoir recours pour s’assurer que le vote et son dépouillement se déroulent dans le bon ordre. Les médias qui n’ont pas encore pris ce type e précautions devraient mettre en place des mesures évitant de déclarer un candidat vainqueur de façon prématurée, ce qui implique que les plus grandes plateformes de médias sociaux devront mobiliser tout leur personnel afin de se prémunir contre la désinformation.

Les chefs d’État et de gouvernement étrangers ont également un rôle important à jouer. Trump pourrait être tenté de se déclarer vainqueur avant l’heure le 3 novembre, sous le prétexte que seuls les votes enregistré ce jour-là doivent être comptés, tout en mettant la pression sur ses homologues étrangers pour qu’ils reconnaissent sa victoire prétendue. Ce à quoi ils devront résister. Avant qu’un candidat n’admette sa défaite ou que le processus électoral ne soit parvenu à son terme, les représentants étrangers doivent s’abstenir de tout témoignage de félicitations. Et si les choses devaient mal tourner, les personnes en lien direct avec Trump et ses plus proches collaborateurs devront envoyer un message clair : « Si jamais vous perturbez le dépouillement, ou si vous refusez d’accepter une passation de pouvoir pacifique, ne comptez pas sur nous. »

Avec un peu de chance et peut-être avec un coup de pouce de leurs amis, les États-Unis peuvent encore s’en tirer in extremis aux élections de 2020 et commencer à panser les fractures sociales qui ont amené ce pays à cette dangereuse extrémité. Pour cela, il leur faudra écouter les leçons qu’ils ont tant de fois dispensées aux autres.

Robert Malley, membre du National Security Council (Conseil de sécurité nationale) sous le Président Barack Obama et le Président Bill Clinton, actuel Président et PDG de International Crisis Group. Stephen Pomper, membre du National Security Council (Conseil de sécurité nationale) sous le Président Barack Obama, directeur principal de la politique de International Crisis Group.

Copyright : Project Syndicate, 2020.
www.project-syndicate.org

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1 تعليق

  1. Les elections US son un non-evenement pour les Algeriens, Arabes, musulmans, tiers-mondistes du monde entiers. Les USA sont dans une phase de decadence continue et c’est tout a fait normal. Chaque systeme une duree de vie et la duree de vie du liberalisme sauvage made in USA arrive a sa fin, sa violence a sa non-consistence est apparue au grand jour en 2008 avec la crise financiere ou les banquiers privee’ se sont accaparer du tresor publique (comme les parasites Algeriens depuis 1962)! Cela a demontre’ que le systeme n’a pas de regles et c’est un clan qui tiens le pays en maintenant une stress permanent dans la societe’ en utilisant la violence avec les minorites de couleurs et de religions tout en reconfortant les races blanche chretienne et juive. A l’international la Russie et la Chine ne laissent plus les USA comme seul colonisateurs et maitre du monde, d’ou confrontations reelles actuels et dans l’avenir avec decadence US certaine.

    La Russie a demontrer avec la destruction de Daesch (l’armee islamique cree par le consortium des services de securites CIA, Europe, Turquie, Arabie Seoudite) en Syrie que Obama et les occidentaux sont des menteurs et sont derriere cette organisation terroriste car ils disaient qu’ils avaient besoin de 10 ans pour venir a bout! etc, etc, etc.