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vendredi, septembre 29, 2023

Algérie : attention à la répétition du scénario de 1986

La crise financière et la paralysie économique que subit en ce moment l’Algérie rappelle étrangement le scénario que le pays avait vécu à la fin des années 80 avec les conséquences de la crise pétrolière de 1986. Des conséquences qui ont conduit l’Algérie à vivre sa plus grande période d’instabilité : la décennie noire des années 90. Aujourd’hui, quelques similitudes se présentent entre les deux crises qui ont ébranlé le pays.

Que s’est-il passé à partir de 1986 ? La baisse régulière du prix du baril de pétrole avait commencé à la mi 1985 et elle s’est accéléré brutalement en 1986. Le niveau des prix avait atteint son plancher, à savoir moins de 10 dollars le baril, et dévoile brutalement les dysfonctionnements structurels de l’économie algérienne. Les carences profondes de l’économie administrée, masquées jusqu’alors par l’importance de la rente pétrolière, apparaissent au grand jour. La chute des prix du pétrole de 40% réduit à néant les illusions les capacités du potentiel industriel algérien et révèle, au contraire, la dépendance et la fragilité d’un système construit sur la seule performance du secteur des hydrocarbures.

A partir de 1986, l’Algérie a été contrainte de réduire progressivement les flux de ses importation à cause de la chute brutale de sa capacité financière extérieure. Les exportations ont été réduites de moitié entre 1986 et 1990. Les contrats de travaux et d’équipements ont continué en effet d’être honorés, même les nouveaux projets n’ont pas été relancés. L’image du pays sur les places financières est sévèrement affectée, l’évaluation du risque algérien s’était dangereusement dégradé. Les implications de cette appréciation détériorée se reflètent dans l’érosion régulière des crédits commerciaux garantis, relayés, défavorablement, par des crédits bancaires à court terme, ainsi que par l’accroissement des marges financières et l’altération des conditions de remboursement.

Face à la faillite financière inévitable, l’Algérie se retrouve obligée de recourir à l’endettement extérieur.  Entre 1985 et 1988, la dette totale double de volume pour atteindre 26 milliards de dollars, soit trois ans d’exportations avec un service de la dette représentant 72% des exportations. Une véritable catastrophe financière. Dès 1987, le poids du service de la dette s’ajoute aux autres signes structurels négatifs pour corroborer l’évidence d’une crise des paiements durable. Le service de la dette dépasse, en effet, 7 milliards de dollars dès 1987 pour approcher 9 milliards de dollars en 1990. La priorité à la stabilité sociale conduit les autorités financières à envisager des alternatives exceptionnelles, mais qui vont coûter à l’Algérie des séismes sociaux. L’Algérie a fait un choix très risquée qui était le recours systématique aux crédits à court terme (12 mois). Incapable de rembourser, l’Algérie s’est précipité faute d’une stratégie de survie.

C’est dans ce contexte que la dette extérieure de l’Algérie s’est accrue pour atteindre 30 milliards de dollars à la fin de 1989. Cette situation économique et financière chaotique va compliquer la transition démocratique des années 90 et 91 car le malaise social généré par cette crise va produire de graves conséquences sur la sérénité du débat démocratique en Algérie.

La suite, nous la connaissons tous : avènement d’une mouvance fanatique, processus électoral interrompu, prise du pouvoir par les militaires, affrontements armés et un pays qui sombre dans la destruction massive.

Les Algériens ont beaucoup souffert durant cette période. Preuve en est, la consommation des ménages a connu des chutes vertigineuses à partir de l’année 1987 où elle a enregistré une baisse d’environ 2.3 milliards de dinars par rapport à l’année précédente, cela est lié certainement au choc pétrolier de 1986 lorsque le prix du baril était de 13 dollars américain, voire moins de 10 dollars en juillet 1986.

L’Algérie doit négocier inévitablement le rééchelonnement de la dette extérieure à travers le plan d’ajustement structurel suivi par une décision de fermeture d’un nombre important d’entreprises majoritairement déficitaires estimée à environ 800 entreprises économiques publiques. Un effectif de 240000 personnes a été licenciée indiquant que la classe la plus touchée est celle des ouvriers à niveau de qualification inférieure dont 7000 opération a été faite sous forme de retraite anticipée, tandis 170000 sous forme de licenciement directe, mentionnant que le secteur d’industrie a enregistré la plus forte proportion de recul estimée à environ 54 %. Ce qui a conduit fatalement à la hausse du taux de chômage de plus de dix points entre 1982 et 1997 allant de 16.3 % à 26.41 %.

La dévaluation de la monnaie nationale a également eu sa part dans l’impact sur l’évolution de la consommation des ménages car elle a été estimée à environ 33 % au mois d’avril de l’année 1994, une démarche qui a acheminé à une évolution accélérée du taux d’inflation. Ce dernier a signalé une proportion de 29.77 % dans la même année ce qui donne une hausse d’environ 20 points par rapport à l’année 1980 qui a enregistré un taux de 9.51 % et par la suite l’augmentation du niveau général des prix.

Voila ce scénario catastrophique qui a clochardisé l’Algérie durant la décennie des années 90. C’est ce scénario que l’Algérie d’aujourd’hui doit éviter à tout prix. Mais, malheureusement, pour l’heure rien n’est fait pour barrer la route du précipice. La crise pétrolière de 1986 a été surpassée rapidement, or aujourd’hui en 2020, le monde entier est dépendant des évolutions encore incertaines de la pandémie de la COVID-19. Combien de temps va durer encore cette pandémie ? Nul ne le sait ! L’incertitude de 2020 est beaucoup plus grave que tous les ingrédients réunis de la crise de 1986.

Comme en 1986, l’Algérie est totalement dépendante des hydrocarbures. Comme en 1986, le dinar algérien ne cesse de se dévaluer, comme en 1986, l’Algérie a un très faible secteur industriel productif. En 1986, l’Algérie est en train de subir des licenciements massifs et des entreprises risquent de disparaître du jour au lendemain. Et si les réserves de change s’épuisent d’ici fin 2021 ou le début 2022,  l’Algérie sera contrainte, comme après la crise de 1986 de recourir à l’endettement extérieur au risque de connaître de subir le diktat de ses bailleurs de fonds. Les similitudes sont très nombreuses sur le plan économique et financier. A cela, il faut ajouter des foyers de tensions géopolitiques très dangereux aux frontières du pays comme la guerre en Libye et le terrorisme au Sahel. La vigilance est donc de mise et l’Algérie risque de replonger dans la zone de turbulences faute d’une véritable stratégie identifiant les solutions idoines  aux problèmes actuels du pays.

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