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jeudi, avril 25, 2024

Affaire des 3 Algériens tués dans un bombardement attribué au Maroc : un rapport de l’ONU sème le doute

Le 3 octobre 2022, un rapport établi par le Secrétaire Général de l’ONU, António Guterres, résumant les évolutions actuelles de la situation du conflit au Sahara Occidental a été remis au Conseil de Sécurité des Nations-Unies. Et dans ce rapport, la triste affaire des 3 camionneurs algériens tués au Sahara Occidental dans un bombardement attribué au Maroc a été commentée et analysée. Force est de constater que ce rapport onusien sème le doute et ne confirme pas la version véhiculée par les autorités algériennes à propos de cet incident qui a aggravé dangereusement les tensions politiques entre le Maroc et l’Algérie. 

Les conclusions et constats de ce rapport onusien s’appuient essentiellement sur les données recueillies sur le terrain par la mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental qui est une opération de maintien de la paix des Nations unies au Sahara occidental. Créée par la résolution 690 (1991) du Conseil de sécurité en date du 29 avril 1991, suite à l’acceptation des propositions de règlement par le Maroc et le Front POLISARIO, les deux parties prenantes au conflit armé autour du Sahara Occidental, la MINURSO a pour rôle principal de surveiller le cessez-le-feu décrété le 6 septembre 1991.

Ce nouveau rapport onusien « décrit la situation sur le terrain, l’état d’avancement des négociations politiques sur le Sahara occidental, l’application de la résolution 2602 (2021), les difficultés auxquelles se heurtent les opérations de la Mission et les mesures prises pour les surmonter », explique-t-on d’emblée dans l’introduction de ce document officiel remis le 3 octobre dernier aux membres du Conseil de Sécurité.

Ce même rapport reconnaît, par ailleurs, que « la situation s’est caractérisée par des hostilités de faible intensité entre le Maroc et le Front populaire pour la libération de la Saguía el-Hamra et du Río de Oro (Front POLISARIO) et des problèmes persistants dans l’environnement opérationnel de la MINURSO, qui étaient notamment liés à la pandémie de maladie à coronavirus (COVID-19) et aux tensions régionales ».

Ce récent rapport onusien révèle également que « la plupart des tirs de part et d’autre du mur de sable signalés à la MINURSO par les parties étaient concentrés dans le nord du territoire, près de Mahbas ». « D’après les calculs de la MINURSO, qui reposent sur les faits signalés, les cas de tirs dénombrés par les parties n’ont cessé de diminuer depuis janvier 2021. La MINURSO n’a pas été en mesure de confirmer de manière indépendante le nombre et le lieu des tirs signalés, mais leurs conséquences ont continué de faire l’objet d’affirmations divergentes », a raconté la même source.

Justement, ce rapport onusien apporte des divergences à la version des faits rapportée par les autorités algériennes au sujet de la malheureuse affaire des 3 Algériens tués dans un bombardement attribué au Maroc. Pour rappel, le 3 novembre 2021, l’Algérie avait annoncé mercredi la mort de trois de ses ressortissants dans un bombardement attribué au Maroc au Sahara occidental.

« Trois ressortissants algériens ont été lâchement assassinés par un bombardement barbare de leurs camions alors qu’ils faisaient la liaison Nouakchott-Ouargla », entre la Mauritanie et l’Algérie, avait affirmé la présidence algérienne dans un communiqué, précisant que « plusieurs facteurs désignent les forces d’occupation marocaines au Sahara occidental comme ayant commis, avec un armement sophistiqué, ce lâche assassinat ».

Longue d’environ 3.500 kilomètres, la route reliant Nouakchott à Ouargla, dans le sud algérien, longe le Sahara occidental. Le communiqué du Palais Présidentiel d’El-Mouradia n’avait pas précisé pas l’endroit exact où le bombardement a eu lieu mais Akram Kharief, patron du site spécialisé algérien menadefense.net avait indiqué à l’AFP que les camionneurs algériens avaient été « tués à Bir Lahlou au Sahara occidental ».

La présidence algérienne n’avait pas non plus donné de précisions sur « l’armement sophistiqué » que le Maroc est accusé d’avoir utilisé dans l’attaque, mais Rabat avait pris livraison à la mi-septembre d’une première commande de drones de combat turcs, selon la presse. « Leur assassinat ne restera pas impuni », avait prévenu la présidence algérienne dans son communiqué, en rendant hommage aux « trois victimes innocentes de cet acte de terrorisme d’Etat. »

Le dernier rapport du Secrétaire Général (SG) de l’ONU est revenu sur les circonstances de cet incident d’une extrême gravité.

« Le 2 novembre, la MINURSO a pris note d’informations relayées par les médias indiquant qu’une frappe aérienne aurait eu lieu à Bir Lahlou et touché deux camions portant une plaque d’immatriculation algérienne et aurait entraîné la mort de trois civils algériens », explique ainsi à ce sujet ce rapport qui relate le déroulement d’une enquête menée par la suite par les services du MINURSO.

« Les 3 et 4 novembre, la MINURSO a envoyé des patrouilles terrestres sur place ; un spécialiste de sa composante Lutte antimines était présent la seconde fois. La Mission a observé deux camions portant des plaques d’immatriculation algériennes, stationnés parallèlement l’un à l’autre, qui avaient été gravement endommagés et carbonisés. Des fragments d’obus ont été trouvés dans le camion qui semblait avoir été touché. D’après les
observations de la MINURSO, il semblerait que les camions transportaient du
carburant et que les dégâts auraient été causés par l’explosion d’un projectile air-sol
et l’incendie en ayant résulté. L’interlocuteur local du Front POLISARIO a informé
la patrouille de la MINURSO que trois corps avaient été trouvés sur place le
1 er novembre. La MINURSO n’a pas pu confirmer cette information de manière
indépendante », nous apprend ainsi ce rapport onusien qui refuse de confirmer officiellement la mort des 3 ressortissants algériens à Bir Lahlou.

En clair, ce dernier rapport de l’ONU affirme qu’aucune trace des 3 cadavres des ressortissants algériens n’a pu être trouvée par les observateurs de la Minurso. Cette version des faits jette le trouble et suscite des interrogations car elle remet tout de même en cause les allégations formulées par la Présidence algérienne. La Diplomatie algérienne devrait réagir pour apporter des éclaircissements et des explications afin de préserver la crédibilité de l’Etat algérien dans cette affaire que l’ONU n’a pas pu élucider.

Dans le même rapport, le SG de l’ONU cite ses échanges avec le Maroc et l’Algérie à la suite de ce bombardement troublant dont les circonstances n’ont pas pu être déterminées avec exactitude.

« Le 3 novembre, le Ministre algérien des affaires étrangères m’a écrit, affirmant
que ces « provocations confirment que le Maroc a pour objectif de générer et de
nourrir les tensions dans la région ». Le 5 novembre, le Représentant permanent du
Maroc auprès de l’Organisation des Nations Unies m’a écrit, indiquant que « rien ne
justifie la présence de civils ou de ressortissants algériens, ou de ressortissants
d’autres pays, dans cette zone ». Il a également fait savoir que « le Maroc n’a jamais
et ne prendra jamais pour cible des civils, ni des civils algériens ni des civils d ’autres
nationalités » », révèle enfin ce rapport onusien qui n’apporte au final aucune réponse concrète aux lancinantes questions soulevées à la suite de ce drame des camionneurs algériens du Sahara Occidental.

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