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jeudi, avril 25, 2024

A Annaba, un journaliste et militant du Hirak raconte son énième arrestation musclée par les services de sécurité

Le pouvoir a encore succombé à la tentation de jouer la carte de la répression contre des manifestants pacifiques lors du 29e vendredi de la révolution populaire algérienne. Les policiers ont interpellé plusieurs marcheurs à Annaba et Batna. Mais ces derniers ont fini par être libérés grâce à la solidarité des manifestants qui ont assiégé les commissariats police où se trouvaient les détenus.

A Annaba, c’est le journaliste de «Le Provincial» et activiste Mustapha Bendjama qui a été arrêté en compagnie de Zakaria Guerfa, un autre militant. Depuis le début de la révolution populaire, le journaliste n’est pas à sa première arrestation. Il est, depuis le début du Hirak l’une des principales cibles des forces de l’ordre à Annaba. Algérie Part a dénoncé à plusieurs reprises les interpellations, des fois musclées, qu’il a subi. Quand il n’est pas embarqué, M. Bendjama est convoqué par la police. En six mois, il aurait visité les locaux de la police, une vingtaine de fois. Généralement les éléments des renseignements généraux de la police l’interpellent, au début des marches du vendredi, mais il est aussi arrivé qu’il soit embarqué lors d’une couverture médiatique.

C’est, d’ailleurs, ce qui s’est passé le 27 février, lorsqu’il couvrait la visite de l’ex-ministre de la Justice, Garde des sceaux, Tayeb Louh. Connaissant son implication dans le mouvement populaire, les officiers des renseignements généraux l’ont embarqué au niveau de l’hôtel Sheraton d’Annaba, alors qu’il accompagnait la délégation officielle en qualité de journaliste. Les officiers des RG avaient peur que le journaliste pose des questions qui fâchent à l’ex-ministre, connu pour être le porte parole du clan Bouteflika.

Ce vendredi 6 septembre, c’est à la fin de la marche que notre confrère a été arrêté. Voici son témoignage.

«A la fin de la manifestation, j’ai tout de suite rejoint le siège du journal (Le Provincial), sis au Cours de la Révolution (place principale du Hirak à Annaba). Alors que j’écrivais mon article, j’ai entendu du grabuge et des cris en bas. Je suis donc tout de suite descendu voir de quoi il s’agissait. Arrivé en bas de mon bureau, j’ai vu l’un des manifestants et activistes les plus actifs sur le terrain qui s’accrochait désespérément à la devanture d’un magasin. Trois individus, qui étaient des policiers en civile, tentait de lui faire lâcher prise en lui donnant des coups. Il avait les lèvres ensanglantées et criait à l’aide. Avant même que je n’approche, Naoufel, l’adjoint du chef des RG d’Annaba, est venu me bousculer, m’intimant l’«ordre» de ne pas prendre de photos. J’avais pourtant évité de sortir mon téléphone portable. Mais cette ‘’attention’’ particulière n’avait, semble-t-il pas suffi à cet officier qui répond au pseudo de Naoufel.

Pris de paranoïa, il a exigé que je déverrouille mon téléphone afin qu’il puisse vérifier si j’ai enregistré notre petite ‘’conversation’’. Chose que j’ai, bien évidemment, refusé de faire. Moins de 30 secondes plus tard, alors que le manifestant est sur le bord de lâcher prise, je lui ai demandé de me donner son nom et son prénom, pour les besoins de l’article. Le manifestant en question m’a tout de suite donné son nom. C’est là où Naoufel est entrée dans une colère noire. Il est venu m’attrapé par le t-shirt, puis a ordonné à l’un de ses subordonnés de me conduire au central de police.

Le subordonné en question n’a, par ailleurs, pas manqué de me dire ‘’nous t’avons tabassé, nous t’avons dénudé et tu as encore le culot de sortir ?’’. Comme si la torture, la brutalité policière et les atteintes aux droits de l’Homme étaient une fierté pour ce corps constitué. Des mauvais traitements et des atteintes dont j’ai été victime il y a quelques semaines. J’ai déjà déposé une plainte auprès du procureur d’Annaba, mais l’affaire est restée sans suite. J’ai été embarqué vers 17h15, j’ai passé près de 4 heures au niveau du commissariat central. J’entendais les cris et les slogans des manifestants qui étaient venus tenir un sit-in en face du siège de sûreté de la wilaya d’Annaba pour réclamer notre libération. Cela me faisait chaud au cœur de savoir que nous n’étions pas seuls.

Comme ils n’avaient aucun motif pour notre interpellation. Ils ont fini, 4 heures plus tard, par nous libérer ; prétextant qu’il s’agissait d’une banale et routinière opération de contrôle d’identité et d’examen de situation. Une opération tellement routinière qu’elle a nécessité la présence du chef des renseignements généraux et chef de sûreté de la wilaya. Pourtant, le central d’Annaba dispose de toutes les informations me concernant. L’officier qui m’a interpellé, m’a appelé par mon nom et prénom avant de m’embarquer pour un ‘’contrôle d’identité’’. Les policiers nous ont, par la suite, fait sortir par derrière à bord d’un véhicule banalisé, pour nous relâcher sur le Cours de la Révolution. Moins de deux minutes plus tard, un 4×4 de la police s’est arrêté devant nous pour nous demander de les suivre vers le central.

‘’Vos amis sont toujours en face du central et ils refusent de mettre fin au sit-in s’ils ne vous voient pas’’. Nous sommes donc revenus vers le central où nous avons été accueillis par des centaines de nos concitoyens, qui ont prouvé que le Hirak n’abandonne pas les siens. Parmi le comité d’accueil qui nous attendait, se trouvait le manifestant à qui j’avais demandé le nom quelques heures auparavant. Les manifestants sont arrivés avant qu’il ne lâche prise. Ils ont réussi à empêcher les policiers de l’embarquer. Puis nous avons marché jusqu’au Cours de la Révolution en criant les slogans habituels. ‘’Ma kanech el vote m3a el 3issabat.’’.

Grâce à l’entêtement de certains officiers qui tiennent coûte que coûte à jouer la carte de la répression, le Hirak est ressorti plus fort à Annaba. Il a remporté un bras de fer, ô combien symbolique et important. Faisant en outre passer un message très important : «le Hirak n’abandonnera pas les siens».

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